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Victor Hugo



Question sociale - Poéme


Poéme / Poémes d'Victor Hugo





ô détresses du faible ! ô naufrage insondable !
Un jour j'ai vu passer un enfant formidable,
Une fille ; elle avait cinq ans ; elle marchait
Au hasard, elle était dans l'âge du hochet,
Du bonbon, des baisers, et n'avait pas de joie ;
Elle avait l'air stupide et profond de la proie
Sous la griffe, et d'Atlas que le monde étouffait,
Et semblait dire à
Dieu :
Qu'est-ce que je t'ai fait ?
Dieu.
Non.
Elle ignorait ce mot.
Le penseur creuse,
L'enfant souffre.
Elle était en haillons, pâle, affreuse.

Jolie, et destinée aux sinistres attraits ;

Elle allait au milieu de nous, passants distraits,

Toute petite avec un grand regard farouche.

Le pli d'angoisse était aux deux coins de sa bouche ;
Tout son être exprimait
Rien, l'absence d'appui,



La faim, la soif, l'horreur, l'ombre, et l'immense ennui.
Quoi ! l'éternel malheur pèse sur l'éphémère !

On entendait quelqu'un rire, c'était sa mère ;

Cette femme, une fille au fond d'un cabaret,
N'avait pas même l'air de savoir qu'on errait

Dehors, là, dans la rue, en grelottant, sans gîte.

Sous le givre et la pluie, et qu'on était petite,

Et que ce pauvre enfant tragique ' était le sien.

Cette mère, pas plus qu'on ne remarque un chien,
N'apercevait cet être et sa sombre guenille.

Sorte de rose infâme ignorant sa chenille.

Elle-même jadis avait été cela.

Maintenant,
Margoton changée en
Paméla,
Elle offrait aux passants des faveurs mal venues,



Chantante ; elles étaient toutes deux demi-nues,
L'une pour les affronts, l'autre pour les douleurs ;
La mère, gaie, avait au front d'horribles fleurs ;
Il arrivait parfois, vers le soir, à la brune,
Que la mère et l'enfant se rencontraient, et l'une


Regardait son passé, l'autre son avenir.

Voir l'une commencer et voir l'autre finir ! misère !

L'enfant se taisait, grave, amère.
Cette femme, après tout, était-elle sa mère ?
Oui.
Non.
Ceux qui mêlaient autour d'elles leurs pas «
En parlaient au hasard et ne le savaient pas.



L'infortune est de l'ombre, et peut-être cet ange
N'avait-il même pas une mère de fange.
Hélas ! et l'humble enfant, seul sous le firmament.
Marchait terrible avec un air d'étonnement.


Elle ne paraissait ni vivante ni morte.

-
Mais qu'a donc cet enfant à songer de la sorte ' ?
Disait-on autour d'elle. -
Est-ce qu'on la connaît ?
Non.
Les gens lui donnaient du pain qu'elle prenait
Sans rien dire ; elle allait devant elle, indignée.


Pour moi, rêveur-, sa main tenait une poignée
D'invisibles éclairs montant de bas en haut ;
Ses yeux, comme on regarde un plafond de cachot,
Regardaient le grand ciel où l'aube ne sait naître
Que pour s'éteindre, et tout l'ensemble de cet être


Etait on ne sait quoi d'âpre, de bégayant,

Et d'obscur, d'où sortait un reproche effrayant ;
La ville avec ses tours, ses temples et ses bouges.
Devant son front hagard et ses prunelles rouges
S'étalait, vision inutile, et jamais

Elle n'avait daigné remarquer ces sommets
Qu'on nomme
Panthéon, Étoile,
Notre-Dame ;
On eût dit que sur terre elle n'avait plus d'âme.
Qu'elle ignorait nos voix, qu'elle était de la nuit
Ayant la forme humaine et marchant dans ce bruit ;


Et rien n'était plus noir que ce petit fantôme.

La quantité d'enfer qui tient dans un atome
Etonne le penseur, et je considérais



Cette larve ', pareille aux lueurs des forêts,

Blême, désespérée avant même de vivre,

Qui, sans pleurs et sans cris, d'ombre et de terreur ivre,

Rêvait et s'en allait, les pieds dans le ruisseau,

Némésis de cinq ans.
Méduse du berceau.

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Victor Hugo
(1802 - 1885)
 
  Victor Hugo - Portrait  
 
Portrait de Victor Hugo

Biographie / Ouvres

C'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature

Chronologie

1802
- Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris.

Chronologie historique

1848

Bibliographie sÉlective


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