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Abdellatif Laâbi



écoute, cannibale - Poéme


Poéme / Poémes d'Abdellatif Laâbi





Ecoute cannibale

ma voix vingt millions d'esclaves

Tout doux ce courroux

qui gonfle les voiles

les poings stridents sortis de

longue convalescence la parole

bouillonnant défonçant d'antiques

mutismes Souffles, souffles et claque

l'étendard aiguisé sur la mémoire des

meurtres la mitraille à ras d'enfance

le cri roide de beaux gaillards

palpitant d'espoir au fin fond

du troisième cercle de tes cryptes

Hé printemps de mon peuple

quand tu germes sans tocsin

quand tu fourbis roses et châtiments

trancher les strates de suaires

délier les forêts mûres de bras

échanger les fruits d'intelligence

Souffles, souffles

et claque l'étendard

aiguisé sur la mémoire des meurtres

en branle l'Histoire

épongeant les méandres d'hibernation

marasmes du rapt et de nos faiblesses crasses

guêpier insalubre des maîtres délateurs

trompant la faim

la soif

et l'amour feutrant la colère et l'insoumission dressant écrans, tréteaux pour délayer le soleil opportunistes de tous bords

Écoute cannibale

écoute-moi bien

ma voix vingt millions d'esclaves

vingt ans et plus à l'enseigne des faussaires

et nous

suant la mort de partout

exténués de rêves fous et d'attente





Mon corps. Quelques livres. Et des fenêtres-poumons percées à même la

carapace du monstre

Prison étale

Je prends acte d'exil. Je prends acte de notre nuit et des prémices de l'aube.

Une brise se lève au creuset de notre immémoriale résistance. Mes yeux en

sont l'histoire. D'où me vient cette mémoire ? Et les mots pour le dire me

bouleversent, d'abord

J'aime. Fou de notre fraternité. J'exhume nos misères, l'indicible tristesse qui

nous donne cet air égaré de peuple non heureux

J'exhume l'écho de la cavalcade, appareillant de siècle en siècle. Fièvres de

siba. Insurrections torrides rejetant l'impôt, les exactions régaliennes, le droit

de cuissage

Sous chaque trône, une poudrière. Un peuple jamais soumis



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Abdellatif Laâbi
(1942 - ?)
 
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