Abdellatif Laâbi |
alerte alerte strident mouche trombe alerte alerte lime cour tapisse barbelés alerte alerte roue rabot étrangle voix alerte alerte crasse justice parque enfants alerte alerte danse sphinx dents viscères alerte alerte pâte sang claque digne troupeaux de soleils nocturnes la détresse comme un avion à pic l'incendie avance sur les digues de manifestants bleus de gaz et tam-tams triques briques armes sauterelles descends alors c'est la rue et pétarade pour la veille d'un sursaut païen belliqueux et roide déracine lichen décolle lichen occis ventouses tendons calcaires galope siècle impur tes squelettes nous rouillent suspendus à une voirie de singes et de nouveaux chariots poussent ton métal rougi au fer je t'insulte règne de bouledogues citadelles policières de matraques à mon peuple mon colosse n'a pas les pieds d'argile mon colosse ricane ses dents d'or et de platine mon colosse a enlevé le turban mon colosse sait nouer sa cravate mon colosse aime les chiens de luxe mon colosse sait parler aux dames mon colosse choisit ses cigares mon colosse flirte avec les journalistes mon colosse fait des choses avec la statue de la Liberté mon colosse rédige lui-même ses discours mon colosse fait la prière et le ramadan mon colosse a l'oil larmoyant quand on parle du peuple mon colosse commande le marbre de sa statue mon colosse mes colosses nous sommes à l'ère colossale des miniatures retouchées galope galope mon oil et ma nuit compose ma litanie de Kaâba saoule passe la flûte allègre passe la pipe à tête d'or chercheuse d'hallucinations fume et crache crache et retourne ton crachat creuse ta patience mets-lui des bandelettes du scotch sur les oreilles tais-toi galope ma gazelle mon antilope d'étoiles galope ma coupe de sel morte après la nuit mon petit pays de lions les autres à peine hommes ou femmes galope ma confortable hérédité de mâle fais la belle ma petite terre de contrastes l'ethnologue et l'érudit arrivent les dons de farine et de médicaments arrivent fais la roue mon petit pays de catons et de brutus on va faire de la photo artistique tu auras ton portrait dans un musée vivant bien encadré avec légende scientifique ne crie pas mon petit pays de légendes voyons ne gueule pas ta faim ne demande pas l'aumône dans les grands cafés ne montre pas ton visage de tripes tes guenilles les gentils touristes vont arriver tu auras la menue monnaie en devises lourdes galope sceau au nombril ta généalogie de portefaix et de bonne à tout faire ta généalogie de gardiens de cimetières un peu de pudeur pas de manifestations de troubles qui profitent à nos ennemis raisonne réfléchis analyse écoute-moi regarde-moi aie confiance en moi je suis instruit moi je connais mieux que toi ton intérêt cotisons-nous donne ton sou ta peau de mouton de fête galope slogans dehors jouons jouant joué c'est le progrès le cours irréversible de l'Histoire bravo merci dehors deux par deux prenez vos distances fixe rompez les rangs cassez la baraque attrapez-le par le conduit de l'âme qu'attends-tu qu'attendez-vous je bâille tu bâilles nous bâillons j'ai peur je ne fais pas de politique je suis un militant vigilant et lucide trop tôt encore ramassez les cadavres quel gâchis ces balles perdues dans un cour dans une tempe dans une dentition gâtée galope galope ma torrentielle clarté canalise borborygme de mes râles voilà ma chute mon souffle statisticien de douleurs d'échecs de tentatives routes et carrefours bigles dragées au pavot au sésame et déchets de kif ombilic rouge d'avortements c'est l'Afrique en halte et là sur la paume là-devant la petite Afrique aux balafres dénombré manquant mort d'avoir trop crié il était une fois moi un millénaire d'époques plus tard caravane ou homme le faciès à peine érodé les mains en stalactites et seul ce parfum aigre d'un suaire d'un motif bleu sur la face momifié dans une course contre d'autres planètes le nom perdu cloué à d'autres himalayas décroché par un titan déclaré enjeu d'une partie de cache-cache entre dieux en crise d'adolescence énergies damnées en éruption noirs jaunes blancs rouges c'est un certain dialecte que je vous parle un idiome pustuleux de signes noud de perches d'arches et de balles tout avili me reconnaîtra pour sien j'ai parlé |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Abdellatif Laâbi (1942 - ?) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Abdellatif Laâbi | |||||||||