Abdellatif Laâbi |
(extraits) J'ai appris à lire et à écrire J'ai appris à lire et à écrire pour mon malheur Que disait le texte gribouillé dans la langue oubliée maudite ? Seul l'évadé pourra le déchiffrer Tends-moi la main ô mon frère proscrit Je n'ai pas ton courage car j'ai encore peur pour les miens J'ai peur de ne trouver auprès de toi qu'un paysage minéral sans la caresse de l'amie ni la fille prodigue du raisin J' ai du mal a quitter ce qui me tait mai et me dresse contre le mal Frère tends-moi la main non pour m'attirer à toi avec ta violence légendaire mais pour m'offrir la clé dont tu n'as que faire Toi tu es libre maintenant Dégagé de la connaissance et du sens De la lutte et de la représentation De la vérité et de l'erreur De la justice des hommes et des dieux Dégagé même de l'amour et de la ménagerie des désirs Tu manges peu et bois à peine Tu ne redoutes plus les yeux inquisiteurs L'apaisement t'indiffère Tu n'attends plus du soir le supplément d'âme de sa musique et de l'aurore ses promesses rarement tenues Ta couche c'est là où te surprend le rêve où tu te meus avec des ailes ou sans Un coin frais derrière une porte sur un banc tout lieu est le lieu où viennent s'offrir à toi les prémonitions d'une vie que l'on n'a pas besoin de vivre pour en être rempli Qui aurait l'idée de t'enseigner de te convaincre toi qui as cessé de vouloir convaincre et ne parles que pour les reptiles facétieux de ta tête Qui pourrait t'en vouloir toi qui as renoncé à tout? |
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Abdellatif Laâbi (1942 - ?) |
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Portrait de Abdellatif Laâbi | |||||||||