Abdellatif Laâbi |
L'homme qui ne savait s'il fallait rire ou pleurer à la sortie de la citadelle d'exil était debout dans sa chambre accoudé à l'appui de la fenêtre Sa femme dormait Leurs étreintes avaient été rapides mais délirantes Ils n'avaient pas pris de précautions (on ne pense pas à ces choses-là en pareille circonstance) Ils avaient pleuré comme des enfants à cette sensation d'infini de mort heureuse au summum de l'incandescence vitale Ils s'étaient embrassé les mains les pieds chaque parcelle du corps jamais oublié dans le désert glacial de l'absence Non ils n'avaient pas vieilli non ils n'étaient pas amoindris Leur bonheur était intact Tout allait reprendre en plus fort malgré le tatouage de tristesse à leur front imprimé par l'épreuve La ville se réveillait lentement le soleil se levait les voitures passaient traversaient le carrefour sans s'arrêter II se souvint de ce regard vitreux du monstre terrassé qui taraudait son dos à la sortie de la citadelle d'exil alourdissait sa nuque quand il avait traversé la ville Il en gardait comme un arrière-goût amer dans la bouche mais cette impression s'estompait et il ne put se défendre d'une sensation de plénitude La vie fonçait sur lui le submergeait Il ferma la fenêtre se dirigea vers la salle de bains ouvrit à fond le robinet d'eau chaude et se mit à se déshabiller Gongs d'annonce tambours témoins battez résonnez battez pour la guérison de l'homme qui ne savait s'il fallait rire ou pleurer Battez à la vie l'envers et l'endroit mais qu'on sache maintenant comment s'achève l'histoire des sept crucifiés de l'espoir |
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Abdellatif Laâbi (1942 - ?) |
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Portrait de Abdellatif Laâbi | |||||||||