Abdellatif Laâbi |
La prison est lieu sûr mécanique de haute précision agencée pour faire retourner à l'état de fotus le « pensionnaire » briser l'échiné involuer la voix éteindre les yeux Crève oublie feu sur ta passion ! Ton peuple rien un troupeau hilarant soumis ataviquement vive ! Ça ne fait rien Demain S'il plaît à Dieu Tes idées de la pisse de tortue des idées quoi importées, téléguidées Et toi sans racines inauthentique prophète à la petite semaine pour tout dire terroriste désarmé Tiens écris demande grâce grâce ou alors crève feu sur ta passion ! La prison est lieu sûr plombé immunisé infra-monde cimetière du cri Là ta deuxième naissance ardente fiancée en transe de don Tu arpentais ta cellule ou bien la minuscule cour de la promenade Tu te fis poétesse (Qui de nous n'est pas poète lorsqu'il enlace les barreaux et tend l'oreille à cette rumeur diffuse et solennelle que seul un prisonnier qu'anime un grand amour peut entendre battre quelque part dans le continent étrange de son corps sismographe ?) Tu réveillas tout doucement en toi cette faculté naturelle de la nostalgie heureuse tendue sur la rose du temps En fredonnant quelques airs têtus tu retrouvas le secret de la musique éternelle Tu ouvris des livres pour voir les rapports qu'ils entretiennent avec la vie les luttes qui la rendent justifiée et belle Et de ton peuple jamais tu ne te séparas car née de sa douleur de sa vague la plus profonde matrice de sa houle Et voilà que chaque nuit tu t'échappais de ta cellule petite étoile irrépressible tu allais rejoindre des milliers d'autres étoiles fraternelles évadées à l'heure dite des prisons d'ici ou d'ailleurs (Casablanca - Kénitra - Abou Zaâbal - Asqalan1...) ensemble vous formiez la constellation de l'espoir |
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Abdellatif Laâbi (1942 - ?) |
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Portrait de Abdellatif Laâbi | |||||||||