Abdellatif Laâbi |
meurt tout cerveau rapiécé le long des cryptes meurt meurt logos des cités broyée dans les rides sans le secours des mains meurt cerveau de grisaille meurt proche la nuit où tant de chapelets s'égrènent pour le retour de 1 aurore que disent les sphinx quand impossible le retour eux-mêmes ont vieilli lassés de leur alliance avec le vent maintenant je cherche à ma tribu un langage qui ne soit pas un alliage viennent à mes phalanges les cyclones d'arganiers collier de guêpes à ma gorge de terre c'est mon atroce lucidité comme un miroir rouillé de souvenirs où vient cogner l'Histoire maintenant je sais de quel pouvoir je suis investi des peuples parcourent ma langue quand nuit de flammes édifie le silence à coups de pilon j'invente des berceuses c'est mon atroce lucidité qui ébouriffe ma voix au rythme des caravanes c'est mon atroce lucidité qui me taille un âge à la dimension du désert maintenant j'ai besoin de dégueuler des strates de narcotiques et fumée de fumier mots de raison pâles comme une tisane je jette ces livres où j'ai appris l'orgueil me voilà ici présent là velu de nuit hérissé de guêpes avec cette fragrance de muscles comme une ossature de chameau prêt à bondir sur la route en un jappement regardez donc si mes seins ne bourgeonnent de maléfices mais qu'on me laisse quelques veinules seulement quelques nerfs rien qu'un doigt et je retracerai sur mon parchemin une nouvelle cosmogonie dans l'harmonie totale de ses éléments entendez le choc des idiomes dans ma bouche la soif des naissances entendez le clapotis des sueurs sous mes aisselles la course des biceps poussée de ma faune intérieure bonds de cavernes plume ensanglantée ma tête sur chaque muraille la chevauchée de mon souffle éjectant des planètes dans ses éruptions me voilà torrentiel à mon déluge me labourant les angles les cratères oubliés à mon incandescence moi Atlas zébré de soleil à peuplades diurnes récoltant dans mes chutes et mes gorges l'écume piaffante d'un devenir demandez aux vautours le goût de mon venin callosité de serres ma grille de malédictions proférateur je suis édifiant à l'insoumission un royaume ne me cherchez pas dans vos archives effrayés par mes dénonciations je ne suis pas de la nature de l'écrit cherchez-moi plutôt dans vos entrailles lorsqu'une cavale de vers distord vos tripes cherchez-moi dans l'urine des fièvres dans le paludisme des ruelles là dans la boue des cataractes écrasez mes noms interdits marchez sur les sorts que j'irradie mais à mon cri cassez des cruches de miel égorgez des taureaux noirs sur les seuils des mosquées nourrissez mille et mille mendiants alors je viendrai vous cracher dans la bouche crever vos tumeurs expulser vos maux ataviques encore je vous préfère en la droiture de vos socs mes frères aux mains rugueuses mes frères au sommeil de racines venu jeté bas par-dessus bord étranger à la course des planètes entre ciel et néant surgi d'une chiquenaude au début de la parole je n'ai pas connu la pesanteur la mathématique des révolutions arabe berbère homme plus encore avec cependant cette marque cette voix indéfectibles venu de vos lendemains fossoyeur de ruines que ne prendrai-je sur moi les erreurs de la nuit et sans bride résonner les heurtoirs pour que chaque seuil me tende ses logarithmes oui je sommeille depuis les salines de la montagne une oreille suspendue à la roue du temps je laisse pousser des bras pour mûrir un réveil je ris oui je ris dans mon rêve regardez mes paupières que les caravaniers inséminent de germes et mon oil terrifiant précis comme un sablier |
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Abdellatif Laâbi (1942 - ?) |
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