Abdellatif Laâbi |
De nouveau mon aimée la parole est urgente Elle n'a jamais cessé de l'être et depuis L'Arbre de fer il y a eu le sang les crucifiés de l'espoir Il y a eu le déchaînement de la horde tant de frères de combat emmurés dans les cavernes de la nuit bestiale la fine fleur de notre pays déracinée écrasée à l'aube intense de son message Il y a eu ce petit corps mutilé grandi à l'horizon des certitudes tant de meurtres tant de deuils mais aussi tant de joies sur les multiples fronts du soleil Hô Chi Minh est maintenant parmi nous nous épaule Jérusalem vient à notre rencontre Lisbonne nous réchauffe et notre Afrique s'est délié les c hevilles se refait une beauté Il y a eu notre poème permanent mûrissant pendant tout ce temps que nous avons tenu entre nos doigts comme un oiseau apprivoisé le nourrissant de rêves équitables lui ménageant dans notre flanc un nid d'irrépressible liberté Comme nous avons rajeuni ma bien-aimée de toutes nos épreuves conjuguées maîtrisées Nous avons tressé la voie conduisant à cette fête de jouvence qui viendra assurément pour toi pour moi pour tous ceux qui luttent et espèrent De nouveau mon aimée la parole est urgente C'est vrai elle n'a jamais cessé de l'être La poésie doit rythmer nos semailles célébrer nos moissons sans cesse et partout rendre insupportables nos chaînes Mais vois-tu le chant exemplaire est un rameau de roses réticentes qui n'éclosent que lorsque le cour qui les porte ne peut plus du sang ne peut plus du silence ne peut plus de sa patience 2. J'en appelle à un nouveau lyrisme qui réinsère l'homme dans nos ouvres de beauté pas l'homme abstrait des manuels poussiéreux mais l'homme qui totalise en rêves et en actes tous les hommes assiégeant le réduit des barbaries J'en appelle à un nouveau réalisme où rien ne sera interdit à nos visions des continents non explorés du futur à notre rire face aux tares résurgentes de notre ancienne vieillesse Un réalisme qui parle de notre planète non pas comme d'un capharnaum manifestant l'écrasement l'absence de l'homme mais comme une terre humaine enrichie des créations du maître et possesseur de la nature l'humanisant à mesure de ses victoires s'emparant des objets de son intelligence comme autant d'auxiliaires prolongeant ses mains et qu'il meut en harmonie avec ses besoins réels J'en appelle à la beauté qui sera front d'espoir |
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Abdellatif Laâbi (1942 - ?) |
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Portrait de Abdellatif Laâbi | |||||||||