Abdellatif Laâbi |
c'est que nous sommes seuls vidés contrebattus au pied du Mur-murailles de lamentations véridiques nous encerclant dessus dessous Avec la marque du désastre Maintenant décriés Notre réputation vampiriste Face au monde de la Raison du Droit et des Lois tassés en paquets d'hommes-meurtrissures Dans des déserts obstrués Au bord de la dépression et du suicide et qu'au diapason de la solitude Nos yeux s'agrandissent Vaste organe enregistrant les voix apocryphes canonisant la jungle et le scalp nos corps Ramassis de traumatismes De greffes suppurantes désorganisés notre marche téléguidée Rebuts de galaxies et de tertres Nous ne sommes pas les humains auréolés du Livre, de l'Art et de l'Esprit nous sommes anachroniques Certes nous le sommes Mais vis-à-vis d'un certain ordre De violence disons qu'instinctivement nous sommes allergiques aux manuels Aux sommes divinisant l'Intelligence disons que nous ne suivons pas ceux qui réussissent Ceux qui savent Ceux qui ordonnent baguette magique et robots parlent Ejectent des cités équations Les surhommes disons que notre peur est angoisse d'être Angoisse de mort Mort de nous Avec notre Oil tragique mais il nous reste la parole Exil de la parole La mémoire terrifiante chevauchant les genèses négatives nous nous proclamons différents d'abord nous émergeons à peine En pleine débâcle La faillite universelle et notre errance ne fait que débuter Car voyez-vous II ne s'agit pasuniquement de pain et d'usines De travail et de loisirs II ne s'agit pas uniquement de codes et de frontières II s'agit que cesse le scandale de l'anonymat de l'enterrement de l'oppression historique de toute une race race d'atlantes je m'explique face à faces corps à corps ne lisez pas écoutez je crie ma race monte et d'une chair condamnée un ghetto de nattaires un avortement ma race racé ma race de quel charnier de quel coït avec le néant ma race toi qui traînes dans les italiques absente de prologue ma race si tu passes je te maudis et je prends tes talismans fardés te pousse dans les ruelles asphyxie morte au jour le jour juron de par les siècles une malédiction ma race notre force cependant le ressort d'un muscle qui bat la chair vive feu négatif des nèfles les Arabes comprennent un regard et nuitamment je frappe ma race qui fut sang de croisades jetée dans la gueule du vingtième siècle ma race paquet de prédicats dehors la faim ma race la foule et les convulsionnaires paralysie ténia dans un bocal d'arracheur de dents ma race et prends sur tes yeux temps floche Histoire Basta Guernica devant Testicules haut Patatras fichtre race Le doigt dans l'oil À ras pet d'incendie La mule nous a donné des enfants de rois Ils sont beaux les précurseurs du séisme Et race à ton tour Pas aryenne pas cannibale mais entre les contraceptifs et les ruminants Charcute-moi ces sabots de sphinx La pyramide qui tue Encore marche devant la trappe Qui voudra de mes cadavres Adjugée la souricière On connaît la musique Nous verrons tous vous et moi l'absolution des taureaux Mais le langage oui le langage J'apprends à raisonner au seuil des lettres Ali et Fatima ne liront plus Bachir et ses amis La chéchia donc Les yaouled qui décrochent les prix Doués malgré tout La vieille légende de l'assimilation Nous cuvons les dépôts chose normale des piquettes « Civilisations je vous hais » Moi je dis je vous abreuve stupéfiants Pas drogues pour oublier Pas promiscuité de néon Mais baroud de la pas trop vieille guerre du Rif Je m'entends Mélange détonant Et prends sur tes oreilles Le soleil ne se lèvera plus à l'est Ton zèle bleu Agadir les sardines hommes-sardines murés fer-blanc devenus chardons-hommes-chardons libres de croupir où ça leur plaît Mais non il y a la Koutoubia les tombeaux des Mérinides les tombeaux des Saâdiens et la légende du Chellah Budget de ruines race à creuser encore à la hauteur des glandes plus loin race nommée dans mes syncopes racé ma race quelle orgie de mutilés tu te rappelles les cuites andalouses les vasques l'arabesque de chien tu te rappelles Grenade la garce 1492 les caravelles du Génois tu te rappelles Charles Martel une uchronie impossible ma race et la foule la horde celle de ramadan ou fête les ablutions au bain maure l'aisselle et l'aine qu'on tond les spasmes de portails une folle ma race hérisse tes voiles au fond du puits gisent les cornes une balle tes pavés et tes ruelles tes poubelles éventrées la foule tes fontaines publiques tes mangeoires fauchée embargo zone interdite ma race médina douar bidonville tu gis ma race tu cries tes latrines tes fosses de toiture wagon de quatrième classe avec le bétail ma race vendue aux enchères entre deux couloirs qui dit mieux ma race et tais-toi tais-toi tais-toi ma race claque gobe ton brûlis l'oil chavire des stigmates et apatride je te cogne ma race te gueule à l'Orient et à l'Occident ni ceci ni cela mais toi l'ultime race qui m'assassine dans ma race chaque millénaire et pousse fagots de greffes sur mon passage qui donc remue mes racines je me remémore il n'y avait pas d'eau à l'origine mais un roulis d'ergs comme une caravane flottante de continents un tangage de dunes il n'y avait que le tam-tam des mutations une levée de carnassiers et moi barde-crocodile me délectant de lave il n'y avait que la présence sulfureuse du feu l'ail putride des hautes tensions les crêtes fétides de sauriens qui m'assassine dans mon murmure d'être chaque jour dans mon hibernation je me remémore la nuit avait obliqué éteinte dans la spirale des flammes une glaise élastique s'entassait sur mon front des singes transhumants ricanaient étais-je totem menhir saharien ou cette corporelle éclaircie de la foudre qui qui donc m'a amputé de germes dans cette ablation poreuse de la nuit alors je l'ourdis noir seul à salves d'encre l'innombrable complot des races déchues la septième décade du dernier soleil me verra monarque accouche donc mère terre de rois-mendiants gicle-moi ce fluide ce venin de pouvoir fais-moi naître comme furoncle sur le troisième oil de mes complices je chute aux bas étages des minarets-poncifs m'accroche araignée glacée aux marches des nuages verrouille tes flancs mère gigogne de fossés ivres jalouse de ma levée tu farcis de sel l'itinéraire de mes blessures je l'ourdis le tisse de plus belle ce complot des tribus aphasiques depuis le scandale de ma naissance depuis le brigandage de ma conception je me suis assuré de tes membres despote au ventre foudroyant arme première ma tête pare charge les boucliers et je l'ourdis sur les crâniennes les ruines d'or ce complot des races éteintes graines éventées livrées aux sables afin que renaisse mon sang cosmogonique quoi ma race fureur j'ai clamé tes yeux pervers j'ai retracé tes cycles à rebours l'aube délétère et tes hiéroglyphes à l'usure on dira sagesse toute cette attente géométrique l'aventure de l'esprit ils ont tout dit tout raconté tout démontré et toi encore nuit tumulte de veilleurs par mes partages progéniture insoumise te voilà rebelle exhibant tes matrices l'insuffisance de l'exil plus de mots plus de mots parleras-tu l'arche des tambours tu sors asphalte déchiré drapeaux et banderoles la cadence dictée jamais autant déracinée et dans ton exil de mandragore je refais ma perception un stylet dans mon cerveau que vos tambours m'emportent fils de Haddaoua mon père m'a craché dans la bouche la salive d'immunité feu noir le fil de chanvre l'arcade bactérie pacte frénésie tambour talus vierges vertes vierges rouges feu noir braises dans mon gosier le pacte qui me lie la tête que j'offre le baume qui m'offre je reste je pars bavez gardes de mon corps l'oil se détache j'embrasse vos pieds marchez marchez vénérables scorpions je baise vos dards et toi maître de tous les pythons paix sur toi tambour tambourin je vérifie mon corps ma tête crécelle ruez ruez fils de Aïssaoua épaulez mon ciel chavire Dieux Diables les trésors et les jarres ne m'échapperont plus tambour tambourin crotales je poursuis ton cerceau la ruelle me dicte j'aboie que l'on me marie avec Aïcha Qandicha dans les châteaux de sorcellerie Elle a des sabots qu'on dit tambour tambourin l'encens jusqu'à la suffocation de l'eau bouillante pour mes ablutions des maniguettes alors et les plus belles cantharides sortez et coupez des gourdins de santal ne m'interrompez pas je rentre dans mon sommeil des esprits me galvanisent il est temps de dire pourquoi je dégueule le monde ailleurs de cette foule démente au-delà des sept mers ailleurs matrice incurvée au-delà de mes transes foule soleil lubrifiant ma parole ailleurs articulée au-delà d'un geste météorite qui strangule le cercle en publics de peuples fous saignants l'histoire atlante de galaxies en rut v'ià que je remonte les racines de la cognée où je saigne ailleurs giclée de naphte sur l'écrit corps comme un séisme localisé mains de sourciers auxquelles poussent des lance-flammes ailleurs nulle vie n'est possible hormis le rapt au-delà d'une nuit où s'entretuer à la mauvaise étoile ailleurs tangue de proues de carcasses de races de promontoires extincteurs de signes de cryptes cadenas de rêves de silences cardiaques universels ailleurs l'oil de dieux hilares garde dinosaurienne de cryptogrammes notre histoire sourdre à l'épicentre du magma ailleurs mêmes dieux en cercles fous la grève des dieux défonçant les sarcophages les armures d'or de bronze fracas de volcan éjectant en scories monstres les dieux fous fous du siècle quatorze et du rapt nommément le soulèvement des dieux dans les artères des concentrations humaines ailleurs bien ailleurs un milliard d'hommes-robots exorcisant après la terre le ciel et ailleurs deux milliards d'hommes-autruches terre-ventre ventre-terre un ciel au-dessus de l'autre la crève il ne s'agit pas de fatalismes et terre surplombe je vous le dis l'homme parlera son règne arrivera crinière crépue cyclopéenne Totem Totem Totem nouveau paganisme à ras galopade de débris s'arme la cataracte sauf nuit d'apocalypse verra s'alourdir cerveau sur cerveau plomber cadavre sur cadavre saler tête sur tête tour de rebelles et de parias tour d'hommes elle tourne votre putain de terre et vous avec holà je parle à l'archi-pluriel de la faute races désormais coïtant en pagaille qui brachycéphale qui dolichocéphale paumes blanches oils de verre échasses ou pygmées sur le tas des dialogues le mélange je cancéreux tangue bannie brisure tangue sismographie du mythe tangue tangue à l'archi-pluriel de la faute nudité je vous ai vus nombril au nombril à la queue leu leu devant le monstre il riait de plus laide Une patte d'argile sur vos nuques L'autre aux confins de vos âmes Le monstre baisait avec sadisme En regardant passer les étoiles filantes les Jets les satellites artificiels les astronautes en tenue de sport en dehors de leurs vaisseaux Et vos yeux ne se détachaient pas de son magnétisme dégoulinant la catastrophe la catastrophe a deux pas de ma voix vieux monde vieux monstre entre toi et moi de vieux comptes à régler la catastrophe la catastrophe à deux pas A'. cancer détonant vieux monde vieille lèpre A' dérapant sans fossile sans idiome la quadrature les sept têtes du mythe sans boussole sans axe histoire acridienne vieux monde vieille lèpre dévalant c'est le moment c'est le mot me dresse de quadrupèdes corps entier force congénitale à l'archi-pluriel de la faute nommément halte demi-tour le monstre vous salue bien d'avance traquenard indélébile d'avance échauffourée hors mémoire d'avance main qui l'écrit l'aride vidé de ses supplices qui la racine resurgie du charnier qui météorite fascinée l'oil risqué main notre nuit parmi vous d'avance la ruée qui nous dévore mort m'apprenant épopée du risque quitte comme le cadavre miraculeux j'ai dit mon incompatibilité de vous j'ai dit l'orgasme du crime et mon incompatibilité de vous j'ai devant moi mon corps et l'armature du néant je gis sur cette pyramide du néant entre les serres de la civilisation de l'écrit de l'acier du plomb entre les yeux je gis paléolithique imberbe tu le savais Fanon dos à dos chacun pour soi ce fut trop bref la guerre matière d'extinction on nous a eus à l'usure notre étoile se meurt avant-avant terme la catastrophe la catastrophe dans vos cases dans vos palais un peu plus nantis un peu plus affamés « civilisés » carnivores à n'importe quelle échelle je vous ai vus nombril au nombril à plat ventre devant le monstre il s'esclaffait imitant Zeus Vous jetait graine par graine ses pavots somnifères Il bandait multi-sexes et vous violait langoureusement pendant que votre progéniture récoltait son sperme pour la fécondité abêtissante de vos femelles Et vos corps se rétrécissaient S'amenuisaient Se contractaient en varices en éclats de schiste Nudité ma stature le terrifiant scalpel des migrations je suis de ce silex me revient la mémoire poésie parole donnée d'hommes à hommes des astres montent dernier tribut à rendre ce n'est pas ma voix qui fera s'arrêter l'acier des conquêtes ce n'est pas ma main juguler à peine meule d'attardés parole c r i ce cri de séisme seul à dévaler public l'autre la soif de n'être que la marque du paria la soif d'enliser destin l'autre la soif de toute révolution planète restant de sangs éparpillés ô naïfs de haut en bas encaissant les litanies de pleureuses en cravaches canonnades frère m'appelez-vous et je n'ai que faire de votre fraternité de boucs émissaires De spectateurs historiques Peuples révolus Je vous nomme publics 100 publics et plus du siècle quatorze Ravaleurs Subisseurs Publics non pas peuples sur des bancs sur des bancs ma fraternité se meut décharge scandante de toutes frontières Déracinant le mal du corps inaudible Foulée aguerrie du venin de la mamelle Libre libre Le passe-partout que je reprends à mon compte C'est une race qui refuse l'idolâtrie triomphante Le droit de dessus la ceinture Race profondément mienne Je ne la retrouve nullement dans les publics arrêtés aux vitrines et greniers des saltimbanques Culbutés dans les dépotoirs Mais dans mon corps Son roulis Par osmose millénaire Atavismes Atlantide que je te démythologise te résurge éruptif du fin fond de la condamnation païenne te remerge en race parlante en race déplaceuse tu ne tatoueras les archipels de svastikas tu ne tueras point voix des morts la terre s'échancre à la violence je vois je vois l'anarchie de la création un dieu légiférait l'autre sabotait Sec l'Humide de cette dualité la confection mortelle crever au summum de la jouissance il m'importe peu de savoir si d'autres astres sont peuplés Ila fallu de mémoire longue que je sache la force des dieux du moment La stratégie de leur victoire II m'a fallu boire à la source de leurs sévices l'excrétion des potentats Atlantide premier jalon Écrit Parole risqués te suivront et sur le nouveau chaos organisé rien plus ne germera orjungler au summum de la jouissance personne n'a jamais télescopé mon corps il m'arrivera de me pendre il m'arrivera de vous maudire comme j'ai déjà maudit vos ancêtres mangez mes frères et procréez le monstre vous prodigue sa bénédiction occident à bout portant gueule d'immondices et tire dans le tas il restera des hommes et re-tire sur la topographie des rideaux de fer j'ai perdu le Nord et le Sud l'anachronisme Est-Ouest déshumain pas de la race sociale scalpé trois fois bitumé pour rébellion d'hémorragie un corps tonitruant Occident tison-écharde du paria remémoré balle-cible javelot putride que je reçois de nos lâchetés vieille putain morbide pâture et la garce orientale-nègre te ravir clientèle de sabbat (je me suis guéri de tes magnétismes comme de nos fatalismes) Occident la dernière césarienne le dernier mot avant avant mon inénarrable mue a moi a moi les lunes du creuset fonte tympans idiomes électrifïés monte la montagne verte et tourbillonne monte monte la marée sans arche de futur montent mes ancêtres de plus haute branche géométrie des terrifiants va ma raison le désert et l'enclume l'oligarchie des temples restitués par la foudre les cadastres de toute civilisation va ma main équateur ancre d'équinoxes nomadise dans les salines vers de plus illustres pharaons de plus colossales pyramides fracasse net les vases énigmatiques explose l'inertie ta durée à bout portant chante chante Oum Kalthoum pour le délire des peuples arabes dilate ce sexe protubérance à l'étau l'or noir sevra les Impeccables orgueil du bâtard en liesse orgueil le monde attente à notre puissance orgueil du fief orgueil rigide passant par nos têtes nos gueules d'ultimes prophètes nos squelettes en trop pour le monde on nous accusera d'intolérance orgueil la chevauchée promise et reculée sérénité de l'orgueil à bout portant et profane l'Inviolé Chante Oum Kalthoum en pleine cybernétique Chante le Nil Les barrages spectaculaires Tes pyramides et les nôtres Les cours de siècles descendants L'amour fou Suspendues quaternaires Ne crains pas d'accumuler les clichés Ma gazelle aux niagaras de parfums L'oubli semant son chapelet de romances Les traces du campement et la monture L'oil monte Éclate en regards de tarentules vitreuses Abîmes tailladés en robinets de miel En tuyaux de lait sacramentel Chante un peu si ce n'est pour l'ordre funèbre ce sera pour le cortège Chante que j'écrive le Livre des morts Le testament oral des races soumises Que je désemmièvre la malédiction qui nous a frappés au sommet de la greffe Que j'ordonne à la Création une déroute exemplaire Que j'insolence la misère touffue des jungles intérieures Chante ta voix nous pourfend et nous fait rire au summum de la jouissance « les peuples se sont arrêtés pour attester comment dans mon unicité j'édifie les bases de la gloire » Chante le Croissant aride Chante le mur des lamentations moi je côtoie le mur de la honte Chante étoile déterreuse d'Orient tombé en panne Chante un peu que je te donne mes yeux Ton amour fétiche à l'orteil agile de l'Afrique violée en cérémonies cycliques Chante l'impossible du bras appréhendant l'outil L'impossible de la main appréhendant le corps L'impossible orgueil de ta race défaite Cri du rossignol des poètes imbéciles Cri de la rage clignotante d'aérolithes sarclés Cri de la tripe à l'orée des abattoirs Cri du gâchis séculaire intimant l'Arrêt cri des concentrations boulimie de l'argent cri des trésors miraculés suspendus aux sorciers cri charlatanerie docte à la suite du pouvoir cri salué des flancs du génocide cri médiéval lumière des époques obscures cri je patine sur les rails du chaos cri le vent s'arrêtera changé criquets à la gesticulation cri tassé à la lie de la mémoire devenue organe cri de Continent le tam-tam nous couvre des voix cri gosier tu ne contiens que la plus dérisoire de mes détonations cri je suis plus qu'homme quelque chose quelqu'un en tragique expansion cri coulée mienne incandescente cri je noierai cette planète d'une poésie asphyxiante marteau-piqueur gaz bruts que je réserve cri je sais parler mais pas aux puissants cri objecteur cri la trahison de l'ami du déporte-parole cri les dégueulades tournées du marasme cri la bile renvoyée en quadrilatères hissés cri prostitution du musicien singe à se tordre cri la morgue philosophale criticaillante nous enterrant en notre nom vivants cri qu'on foute la paix aux salauds que nous sommes cri Assez impudique chanteuse Vieille hétaïre Nous scalpant dans le sang fébrile Nous embobinant Nous lâchant fétu et paille à la fraternité du délire sensitif D'un lyrisme que nous pétons mutations de toutes facultés Nous tapant sur les cuisses et les dos mutuels Ronronnant l'imbécile refrain de la fraternité d'exclusion Chante Oum Kalthoum ta voix nous pourfend et nous fait rire au summum de la jouissance fossile Carnivore Sour du mammouth surpris Mais incalculable force Maghreb ! Maghreb ! doigts ségrégés de la main enfouie stature de sphinx travesti Maghreb aux mains trouées elle est parvenue l'échéance de la grande mue Décarcassement collectif Décalcarisation cervelles Transfusion sangs ocre Le contrôle des organes Pronostic des vieilles bases pourries Craque citadelle d'hommes pensants Comptes vieux et frais à régler Dévoiler démasquer démaquiller Craque et flanche La diarrhée pète à l'anus du monde À bout portant publics et tyrans Sénilité bravades Le chapiteau des sourds-muets Le tribunal des éclopés Gangs à cigares-havane-chèques-rançons kilométriques Gangs à gages Gangs l'affiche le tract coup de massue et réfléchis dans ton coin Gangs historiques Trophées pour les musées ô gangs inséminant la ruse ancestralement tendue pour la congélation de l'espèce Gangs d'une science dévalant ses hachoirs Serres plus inhumaines que le cri barbare Vieux monde ruminant Arrosant de sucs mortels nos gueules de prophètes à la trappe de la baleine famélique Vieux monde et notre prétendue jeunesse en hémorragie dense Assez je vis me voici dans toutes mes chaudières érectant de toutes glandes mes orifices pressés je descends à mes enfers mes souterrains de phalènes dicte et redicte ainsi je me redécouvre au tréfonds de l'embryon égal à ma stature ouf d'infinis million de possibilités gestation de peuples de continents humanité frétillante et voix mutant j'échappe je survis personne ne m'a intimé l'ordre de ce scalp c'est moi séparé pour reprendre dans un climat ardent de genèse protohumaine lors d'espaces inabordables mais de cette terre étroite surplombe de ce délire des sables mouvants en retraite de la germination païenne langage futur Terre Terre l'écheveau phallique de mes racines la grappe vénéneuse syntaxe de ma lymphe racines mutantes d'hommes je déflore ce corps inouï qui remerge lui inculque une respiration le meus à l'image d'une création juste et violente nommément genèse par le cri biologie sidérale corps mien qui va vivre se répandre se défendre inaltérable en sa première geste Rabat, 1965-1967 |
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Abdellatif Laâbi (1942 - ?) |
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