Abdellatif Laâbi |
Ils étaient sept dans le quartier des condamnés à mort Tous donnaient Le numéro 7782 luttait contre un cauchemar C'était la même scène qui revenait encore Il était dehors Il courait courait dans un interminable cimetière Des tombes de tous les âges et ça n'en finissait plus À l'horizon des tombes et encore des tombes Il savait de certitude qu'il déboucherait quelque part qu'il rencontrerait des hommes des animaux des maisons mais il s'épuisait s'épuisait finissait par trébucher et s'étaler sur une tombe... Alors la porte de la cellule s'ouvrait Un gardien apparaissait le sourire aux lèvres Il brandissait une feuille imprimée et lui criait « C'est la classe ! Ramasse tes affaires ! Tu es libre » Libre Liiibre... reprenait un chour invisible Il bondissait de sa paillasse arrachait au gardien la feuille imprimée courait vers le grand portail qui s'ouvrait magiquement devant lui et se refermait aussitôt Mais de nouveau c'était le champ interminable des tombes de tous les âges À l'horizon des tombes et encore des tombes Il courait de plus belle courait avec en obsession la même certitude qu'il déboucherait quelque part rencontrerait des hommes des animaux des maisons Mais ses forces l'abandonnaient Il finissait par trébucher et s'étaler sur une tombe... Alors il était réveillé de ce deuxième rêve C'était simplement sa mère qui le secouait lui demandait de se préparer pour aller au travail Une scène qu'il avait lue tant de fois dans les manuels scolaires Il se levait s'habillait descendait l'escalier de la maison La porte s'ouvrait magiquement devant lui se refermait aussitôt et de nouveau c'était la file interminable de tombes Il ne pouvait plus courir Il n'avait plus de voix Ses forces l'abandonnaient complètement Il s'écroulait sur le sol ouvrait les yeux en respirant à peine Un grand soleil glissait dans le ciel Une pluie de feuilles imprimées descendait en douceur recouvrait sa poitrine haletante ses pieds endoloris puis petit à petit sa face paisible Gongs d'annonce tambours témoins battez résonnez battez Quelle est la part de la réalité dans le rêve quelle est la part du rêve dans la réalité ? Battez résonnez battez et que le soleil enfin nous parle |
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Abdellatif Laâbi (1942 - ?) |
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Portrait de Abdellatif Laâbi | |||||||||