Ahmed Lemsyeh |
Déchausse-toi et marche dans ton dédale La transe te sera lumière et chemin Embellis ton âme si tu veux entendre la voix du dedans Éclaire-toi de ta brûlure illumine et sois le sourire qui s'ouvre comme une fine tunique dans les ténèbres Délie-toi protège la braise du questionnement libère ta voix sors de ton ombre et vole fais pousser des ailes à tes larmes sois l'oil où l'espoir peut dormir et les cils qui le couvrent à son réveil Parle en silence Immobile, penche-toi Cloué, vole Sois présent sans venir voyage sans partir manifeste-toi sans apparaître disparais sans t'absenter exile-toi sans rien quitter Ô toi qui m'habites malgré moi dévoile mes pensées secrètes et apaise ma brûlure N'abandonne pas mon âme qui menace ruine Toute âme recèle un grain de folie et une passion Reste et tiens-moi compagnie jusqu'au moment où nous respirerons l'odeur de la mort au tournant de la terrible nuit Essore les nuages et tresse-les afin qu'une route s'ouvre à nous À mon désarroi tends la corde de ta bienveillance Sois mon trésor de rêves si le monde s'obscurcit autour de moi Sois une mer d'espérance si la vie ne m'offre plus rien Ne me rejette pas car tu es mes ailes et mon miroir intérieur Trahis-moi efface-moi pour que je devienne toi Et pour que tu deviennes moi deviens loi-même J'étais enterré dans la glaise quand l'eau m'a déterré Le sable s'est retiré autour de moi Le vent bavard n'a pas gardé mon secret Pris au piège je me suis montré à une fissure en riant même si je n'ai rien trouvé de réjouissant J'ai tablé, faute de lendemain sur le surlendemain J'ai cousu ensemble parfum et brise et entre argile et pluie un simple rayon est devenu ma lance Oh j'étais... un nageur dans la mer du néant tressant la chevelure des rêves en autant de cordes pour pendre le désespoir Sur une route de fumée j'ai tissé, avec des fils de lumière un habit qui rendait nu celui qui le portait Je m'en suis roulé une avec une bonne dose de paroles que j'ai mélangées avec les racines d'un cour plein à ras bord, ayant oublié toute mesure J'ai déambulé autour de la porte de la joie qui se tenait au chaud dans un nuage veillée par un gardien porté sur le sommeil J'ai voulu en dessiner les ailes mais sa naissance était encore suspendue comme l'ahouach au signe du maestro J'ai arrosé la musique avec du sang de coquelicot pétri le temps et ainsi façonné les côtes de l'inébranlable parole J'avais hâte d'allumer une mèche qui puisse m'éclairer de l'intérieur et dégager du sable les fondations afin que chaque mot aille comme un gant à son frère qu'ils s'enlacent et jouent dans les escaliers et que le poème devienne fantasia, épousailles la plume, un cheval débridé que la lumière enfourche l'obscurité et que le secret lève dans ma tête comme la pâte La parole est construction À ces fins elle a besoin de matériaux Le temps est une ardoise dont les lettres point ne s'effacent Le sens est un silo et la pensée tient lieu de pioche Je brûle le passé, en obtiens de l'encre Je grave les lettres dans mon tréfonds et les enlève pour que le verre soit à la température idéale et que les oiseaux se libèrent de leur cage pour que tout menteur avale sa langue et que la terre parle sans être piétinée que l'exilé revienne telle la plume à son aile que le rêve marche en plein jour sans limiers à ses trousses Mais le désir avec ses cils recourbés s'est mis à me lanciner Le doute est apparu souriant jusqu'aux oreilles Le corps était un désert une forêt arasée et son propriétaire avait enduré plus qu'il n'en fallait Je me suis dit : Laisse-toi reprendre par tes démons La bête a remué au fond de moi et quand le verre s'est vidé j'ai continué à remplir son office : réunir et séparer Tes cils étaient mon échanson et tes yeux, ma perte Les souvenirs se sont réveillés, étirés et je m'en suis délecté avant qu'ils ne fuient L'un m'a aidé à éteindre la braise du temps l'autre à radoucir les nuits d'insomnie L'un me restituait les tatouages la ceinture défaite la chevelure découverte L'autre ne m'offrait qu'une étendue de sel sur laquelle marchait mon être blessé Je me suis rappelé celui qui possédait la vue de la huppe des mots plus acérés les uns que les autres et dont la voix faisait éclater les pierres Puis l'autre qui ne faisait qu'enculer les mots On aurait dit qu'il escaladait un mur avec son dos alors qu'il avait peur de son ombre Plus un troisième dont les propos creusaient un trou dans l'eau Il chevauchait sa voix et devenait cendre quand le feu fleurissait Un autre enfin dont les actes donnaient la chair de poule à l'eau et qui, lorsque les autres parlaient se remplissait, lui, la bouche d*eau Ceci est une histoire tressée avec nos larmes une image rendant fou celui qui la médite Elle déborde de peines Jetons-les à la mer. avons-nous dit mais la mer elle-même en débordait L'histoire est captivante Elle charme le conteur et les auditeurs L'histoire est rassembleuse Dès qu'il y a lumière on fait cercle autour d'elle Elle élargit la petite lucarne et brûle l'obscurité quand la clarté point La parole n'est ni couche ni couverture elle est un chemin et les gens en sont les lettres La parole n'est ni vérité ni erreur elle est la source et son tourbillon La page est un linceul cousu de blanc Écrite, elle devient un oil qui voit un caftan tacheté de vie purifiant celui qui s'en revêt Son secret est celui de la laine Dès qu'on la tond, c'est d'amour qu'elle nous enveloppe Elle traite à égalité douleur, joie et peur s'habille de parfum et de sens se pare Elle déplume le vent et dépouille les nuages La page a pour sang l'encre En elle, la vie ne saurait s'arrêter Et moi. quand j'ai vu que le signal était une ruade et un coup de fouet j'ai accouru vers vous Je suis venu à vous les épaules nues couvrez-moi Je demande votre protection ne m'en veuillez pas je ne suis qu'un derviche que les plaisirs ont perdu Si d'autres vous envoient un coup de pied en guise de salut moi, je viens à vous porteur d'amour du moins ce que j'ai réussi à en sauvegarder J'ai poussé dans les Doukkala et me suis fait avoir à Rabat |
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Ahmed Lemsyeh (1950 - ?) |
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