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Alain Jouffroy



Le pacte écarlate - Poéme


Poéme / Poémes d'Alain Jouffroy





Tourgar, fébrile, incite les bacchantes au crime.

Tentateur traîné au bord de la grève désertée,

Il repeuple de poulpes hagards l'accalmie du siècle.

Évité par l'armée fourbue du désespoir,

Tourgar se bouscule dans la fissure bourdonnante des

bolides,
Se gaspille, se multiplie sur tous les toits.
Sa trace, éloquente comme un frisson,
Ne se laisse pas brouiller par la cohue des ducs.
Méticuleux, gesticulant,
Son discours, ivre de calme et de netteté,
Discipline ses plexus, ses capillaires, ses racines.
Attaqué par les fourmis rouges,
Il va et vient, génial vengeur du royal temps perdu,
Dans le gouffre de sa vie hérissée et tendue.
Accélérée la multiplication de ses griffes, de ses hélices,
Tourgar fébrilise la patience et la ruse.
Flot éponyme du possible,
Jalousé comme l'éclat inhumain d'une goutte,
Il darde son imbattable talent - antennes -



Vers la calme cataracte quotidienne.
Matinal et bavard, agent généreux des idées,
Il dérobe aux destructeurs leur fulgurance
Et nourrit le poète de schrapnels ravis.

-
Vrombis,
Tourgar, turbine volontaire de la vie !

Invective l'énorme épave accouchée !

Groupe tes nerfs en faisceaux, cancérise le monde,

Suspens tes calculs à l'encolure de l'envolée !

Espère en le bouf écorché par l'avenir !

Marque seul ta piste !

Débaptise l'indélébile création !
Fais-la tienne tout

entière,
Cette catin enrobée d'innommable soie !

Quand il eut rejoint
Attulima, les piétons les

contournèrent,
Le bruit de leur ridicule courut, s'affala sur scène : «
De
Tyr, il n'y a qu'un pas à la foire. »

C'est faux !
Un baiser suspendu les sépare

Et ce baiser délié est donné.

Un pacte déchirant les enlace,

Le risque à courir est signé.

Voués au plaisir capital, exécutés,

Ils passent, enveloppés de rougeurs moirées,

Lointains seigneurs au bord du sordide immédiat.

Leurs yeux dévorants, dévorés par la vermine,

Vaticinent, voyants, dans leurs fortes orbites.

Ils exigent l'omnipotence du râle,

Le sceau de l'irréfragable autorité physique.

Bottés, acharnés à cingler vers leur sang,

Ils refusent l'amour mineur des félins :



Excités, l'abîme tète le sein de la mon !

Reine absolue des
Empires supérieurs,

La haute obscénité légendaire, révoltée,

Se roule dans l'idéale pourpre de ses abattoirs incendiés.

C'est à toi,
Tourgar, de conquérir sa
Toison !

C'est à toi d'arracher la palme obscène

Qui t'ouvrira les enfers délicats d'Attulima :

C'est à toi de transmuter ta fécalité

Par une action d'éclat

Qui vivifie ta suprématie déicide sur ton corps !

-
Alors, réinventée, la réalité pactisera avec ta chair.

Immobile,
Attulima émeut les bouillants.

Elle est bardée, dans son halo opaque.

Les plus grandes gabares la précèdent, hérissées

De protestations, d'oriflammes, d'exclamations !

Les rumeurs la tenaillent, l'amincissent,

Fascinent son humeur noire, la saisissent au collet.

Elle est blême.
Elle est reine.
Elle est vide !

Attulima, lentement, tente l'impossible et, vite,

L'enterre dans son pain hypersensible.

Déchiquetée par son drame, elle s'écroule

Sur son lit misérable.
Ses draps brûlent.

Sa main paralysée, crispée sur sa couronne,

Crépite comme du bois mort sur un atoll.

Le saccage des valeurs est total.

Ouvrant sa poitrine purulente aux passants,

Aux lions séniles et mous, elle jette ses intestins !

Tenue dans l'impérieux poing du monde,
Attulima
Enrage de ne pouvoir marcher tête en bas sur terre.
Ses jupes soulevées, léchées par les planètes,



Elle fléchirait les pères les plus rebelles au temps !
Elle bondirait, fusée lubrique, au sein du cosmos.
Elle ouvrirait ses bras aux aérolithes, aux pachas.
Dans l'asphyxiante euphorie des matins magnétiques,
Désirable, elle n'atteindrait jamais le point extrême
Où sa chair cesserait de chasser sa marge inconnaissable.
Libre de s'amasser, liée à sa masse, libre de se morceler,
Elle pourrirait dans les taches éculées du soleil.
Mais vidée comme un ouf, elle se draine dans son antre.
Marins,

Faites siffler autour d'elle le vent alerte du mercure !
La dague effilée de la nuit s'enfonce dans ses paumes.

Tourgar,

Inclus dans les pressentiments aberrants d'Attulima,

Partage avec elle le pain de l'effondré.

«
Dormons,
Tourgar.
La terre tient trop longtemps en éveil.

«
La terre est impitoyable. Épousons l'aléa :

«
Tombons!»

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Alain Jouffroy
(1928 - ?)
 
  Alain Jouffroy - Portrait  
 
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Bibliographie


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