Albert Samain |
(extrait) Quand la nuit verse sa tristesse au firmament, Et que, pâle au balcon, de ton calme visage Le signe essentiel hors du temps se dégage, Ce qui t'adore en moi s'émeut profondément. C'est l'heure de pensée où s'allument les lampes La ville, où peu à peu toute rumeur s'éteint, Déserte, se recule en un vague lointain Et prend cette douceur des anciennes estampes. Graves, nous nous taisons. Un mot tombe parfois, Fragile pont où l'âme à l'âme communique. Le ciel se décolore ; et c'est un charme unique, Cette fuite du temps, il semble, entre nos doigts. Je resterais ainsi des heures, des années, Sans épuiser jamais la douceur de sentir Ta tête aux lourds cheveux sur moi s'appesantir, Comme morte parmi les lumières fanées. C'est le lac endormi de l'heure à l'unisson, La halte au bord du puits, le repos dans les roses ; Et par de longs fils d'or nos cours liés aux choses Sous l'invisible archet vibrent d'un long frisson. Oh ! garder à jamais l'heure élue entre toutes, Pour que son souvenir, comme un parfum séché, Quand nous serons plus tard las d'avoir trop marché, Console notre cour, seul, le soir, sur les routes. |
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Albert Samain (1858 - 1900) |
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