Alfred de Vigny |
... « Une lutte éternelle en tout temps, en tout lieu, Se livre sur la terre, en présence de Dieu, Entre la bonté d'Homme et la ruse de Femme. Car la femme est un être impur de corps et d'âme. « L'homme a toujours besoin de caresse et d'amour, Sa mère l'en abreuve alors qu'il vient au jour, Et ce bras le premier l'engourdit, le balance Et lui donne un désir d'amour et d'indolence. Troublé dans l'action, troublé dans le dessein, Il rêvera partout à la chaleur du sein, Aux chansons de la nuit, aux baisers de l'aurore, A la lèvre de feu que sa lèvre dévore, Aux cheveux dénoués qui roulent sur son front, Et les regrets du lit, en marchant, le suivront. Il ira dans la ville, et là les vierges folles Le prendront dans leurs lacs aux premières paroles. Plus fort il sera né, mieux il sera vaincu, Car plus le fleuve est grand et plus il est ému. Quand le combat que Dieu fit pour la créature Et contre son semblable et contre la nature Force l'Homme à chercher un sein où reposer, Quand ses yeux sont en pleurs, il lui faut un baiser. Mais il n'a pas encor fini toute sa tâche : Vient un autre combat plus secret, traître et lâche; Sous son bras, sur son cour se livre celui-là, Et, plus ou moins, la Femme est toujours Dalila. « Elle rit et triomphe ; en sa froideur savante, Au milieu de ses sours elle attend et se vante De ne rien éprouver des atteintes du feu. A sa plus belle amie elle en a fait l'aveu : « Elle se fait aimer sans aimer elle-même; « Un maître lui fait peur. C'est le plaisir qu'elle aime : « L'Homme est rude et le prend sans savoir le donner. « Un sacrifice illustre et fait pour étonner « Rehausse mieux que l'or, aux yeux de ses pareilles, « La beauté qui produit tant d'étranges merveilles « Et d'un sang précieux sait arroser ses pas. » - Donc, ce que j'ai voulu, Seigneur, n'existe pas! Celle à qui va l'amour et de qui vient la vie, Celle-là, par orgueil, se fait notre ennemie. La femme est à présent pire que dans ces temps Où, voyant les humains, Dieu dit : « Je me repens ! » Bientôt, se retirant dans un hideux royaume, La Femme aura Gomorrhe et l'Homme aura Sodome, Et, se jetant de loin un regard irrité, Les deux sexes mourront chacun de son côté. « Eternel ! Dieu des forts ! vous savez que mon âme N'avait pour aliment que l'amour d'une femme, Puisant dans l'amour seul plus de sainte vigueur Que mes cheveux divins n'en donnaient à mon cour. - Jugez-nous. - La voilà sur mes pieds endormie ! Trois fois elle a vendu mes secrets et ma vie, Et trois fois a versé des pleurs fallacieux Qui n'ont pu me cacher la rage de ses yeux; Honteuse qu'elle était plus encor qu'étonnée De se voir découverte ensemble et pardonnée; Car la bonté de l'Homme est forte, et sa douceur Écrase, en l'absolvant, l'être faible et menteur. « Mais enfin je suis las. - J'ai l'âme si pesante, Que mon corps gigantesque et ma tète puissante Qui soutiennent le poids des colonnes d'airain Ne la peuvent porter avec tout son chagrin. Toujours voir serpenter la vipère dorée Qui se traîne en sa fange et s'y croit ignorée ! Toujours ce compagnon dont le cour n'est pas sûr, La Femme, enfant malade et douze fois impur! Toujours mettre sa force à garder sa colère Dans son cour offensé, comme en un sanctuaire D'où le feu s'échappant irait tout dévorer, Interdire à ses yeux de voir ou de pleurer, C'est trop ! - Dieu, s'il le veut, peut balayer ma cendre J'ai donné mon secret, Dalila va le vendre. Qu'ils seront beaux les pieds de celui qui viendra Pour m'annoncer la mort ! - Ce qui sera, sera ! » |
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Alfred de Vigny (1797 - 1863) |
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Portrait de Alfred de Vigny | |||||||||
Biographie / OuvresIl naît dans une famille issue de la noblesse. Victor de Vigny, le grand-oncle d'Alfred, est admis chevalier de l'ordre de Malte en 17171. Son grand-père maternel, Didier de Baraudin, est écuyer et chef d'escadre dans la marine royale2. Son manoir du Maine-Giraud, situé près d'Angoulème, et où l'écrivain finira ses jours, n'est pas un fief mais un domaine acheté en 1768. Son père e |
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