André Breton |
A Benjamin Péret Au cour du territoire indien d'Oklahoma Un homme assis Dont l'oil est comme un chat qui tourne autour d'un pot de chiendent Un homme cerné Et par sa fenêtre Le concile des divinités trompeuses inflexibles Qui se lèvent chaque matin en plus grand nombre du brouillard Fées fâchées Vierges à' l'espagnole inscrites dans un étroit triangle isocèle Comètes fixes dont le vent décolore les cheveux Le pétrole comme les cheveux d'Éléonore Bouillonne au-dessus des continents Et dans sa voix transparente A perte de vue il y a des armées qui s'observent Il y a des chants qui voyagent sous l'aile d'une lampe Il y a aussi l'espoir d'aller si vite Que dans tes yeux Se mêlent au fil de la vitre les feuillages et les lumières Au carrefour des routes nomades Un homme Autour de qui on a tracé un cercle Comme autour d'une poule Enseveli vivant dans le reflet des nappes bleues Empilées à l'infini dans son armoire Un homme à la tête cousue Dans les bas du soleil couchant Et dont les mains sont des poissons-coffres Ce pays ressemble à une immense boîte de nuit Avec ses femmes venues du bout du monde Dont les épaules roulent les galets de toutes les mers Les agences américaines n'ont pas oublié de pourvoir à ces chefs indiens Sur les terres desquels on a foré les puits Et qui ne restent libres de se déplacer Que dans les limites imposées par le traité de guerre La richesse inutile Les mille paupières de l'eau qui dort Le curateur passe chaque mois Il pose son gibus sur le lit recouvert d'un voile de flèches Et de sa valise de phoque Se répandent les derniers catalogues des manufactures Ailés de la main qui les ouvrait et les fermait quand nous étions enfants Une fois surtout une fois C'était un catalogue d'automobiles Présentant la voiture de mariée Au speeder qui s'étend sur une dizaine de mètres Pour la traîne La voiture de grand peintre Taillée dans un prisme La voiture de gouverneur Pareille à un oursin dont chaque épine est un lance-flammes II y avait surtout Une voiture noire rapide Couronnée d'aigles de nacre Et creusée sur toutes ses facettes de rinceaux de cheminées de salon Comme par les vagues Un carrosse ne pouvant être mu que par l'éclair Comme celui dans lequel erre les yeux fermés la princesse Acanthe Une brouette géante toute en limaces grises Et en langues de feu comme celle qui apparaît aux heures fatales dans le jardin de la tour Saint-Jacques Un poisson rapide pris dans une algue et multipliant les coups de queue Une grande voiture d'apparat et de deuil Pour la dernière promenade d'un saint empereur à venir De fantaisie Qui démoderait la vie entière Le doigt a désigné sans hésitation l'image glacée Et depuis lors L'homme à la crête de triton A son volant de perles Chaque soir vient border le lit de la déesse du mais Je garde pour l'histoire poétique Le nom de ce chef dépossédé qui est un peu le nôtre De cet homme seul engagé dans le grand circuit De cet homme superbement rouillé dans une machine neuve Qui met le vent en berne Il s'appelle Il porte le nom flamboyant de Cours-les toutes A la vie à la mort cours à la fois les deux lièvres Cours ta chance qui est une volée de cloches de fête et d'alarme Cours les créatures de tes rêves qui défaillent rouées à leurs jupons blancs Cours la bague sans doigt Cours la tête de l'avalanche 29 octobre 1938. |
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André Breton (1896 - 1966) |
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Portrait de André Breton | |||||||||
La vie et l'ouvre d'andré bretonAndré Breton est né le 18 février 1896, à Tinchebray (Orne). En 1913, alors qu'il suit les cours du P.C.B. à Paris, il rencontre Paul Valéry, qui restera pour lui l'auteur de Monsieur Teste. Affecté en 1916 au service de santé à Nantes, il y trouve un étrange patient, Jacques Vaché, dont l'humour et le détachement singuliers le fascinent, comme à la même époque le fascinent la poésie de Rimbaud (e Essais, études et témoignages |
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