André Chénier |
Salut, ô belle nuit, étincelante et sombre, Qui n'entends que la voix de mes vers, et les cris De la rive aréneuse où se brise Thétis. Muse, Muse nocturne, apporte-moi ma lyre. Comme un fier météore, en ton brûlant délire, Lance-toi dans l'espace ; et pour franchir les airs, Prends les ailes des vents, les ailes des éclairs, Les bonds de la comète aux longs cheveux de flamme. Mes vers impatients élancés de mon âme Veulent parler aux Dieux, et volent où reluit L'enthousiasme errant, fils de la belle nuit. Accours, grande nature, ô mère du génie. Accours, reine du monde, éternelle Uranie, Soit que tes pas divins sur l'astre du Lion Ou sur les triples feux du superbe Orion Marchent, ou soit qu'au loin, fugitive emportée, Tu suives les détours de la voie argentée, Soleils amoncelés dans le céleste azur Où le peuple a cru voir les traces d'un lait pur; Descends, non, porte-moi sur ta route brûlante; Que je m'élève au ciel comme une flamme ardente, Déjà ce corps pesant se détache de moi. Adieu, tombeau de chair, je ne suis plus à toi. Terre, fuis sous mes pas. L'éther où le ciel nage M'aspire. Je parcours l'océan sans rivage. Plus de nuit. Je n'ai plus d'un globe opaque et dur Entre le jour et moi l'impénétrable mur. Plus de nuit, et mon oil et se perd et se mêle Dans les torrents profonds de lumière éternelle. Me voici sur les feux que le langage humain Nomme Cassiopée et l'Ourse et le Dauphin. Maintenant la Couronne autour de moi s'embrase. Ici l'Aigle et le Cygne et la Lyre et Pégase. Et voici que plus loin le Serpent tortueux Noue autour de mes pas ses anneaux lumineux. Féconde immensité, les esprits magnanimes Aiment à se plonger dans tes vivants abîmes; Abîmes de clartés, où, libre de ses fers, L'homme siège au conseil qui créa l'univers; Où l'âme remontant à sa grande origine Sent qu'elle est une part de l'essence divine. |
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André Chénier (1762 - 1794) |
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Portrait de André Chénier | |||||||||
OuvresAndré Marie de Chénier, dit André Chénier, né le 30 octobre 1762 à Constantinople et mort guillotiné le 25 juillet 1794 à Paris, est un poète français. Il était le fils de Louis de Chénier. |
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