André Hardellet |
Les muses du quai de Bercy M'avaient conduit jusqu'à Grenelle Et leurs sours de la Grange-aux-Belles Vers les jardins clos de Passy, La nuit s'entendait avec elles, Les muses du quai de Bercy. J'allais dans Paris, port de songe Ouvert au piéton noctambule, Avec des amis de toujours Embarqués vers le crépuscule Et disparus au point du jour. J'allais dans Paris port de songe. Resnf, Nerval, Apollinaire, Léon-Paul Fargue et tous les autres Qui me montriez le chemin. Abordez-vous les lendemains Rayonnant sur les îles claires? Resnf, Nerval, Apollinaire... D'abord c'est le dimanche au cour : Un départ à Paris-Bastille Vers les Eldorados sur Marne, La blonde en robe de fraîcheur, Ses seins fleuris par les jonquilles. D'abord c'est le dimanche au cour. Salut les valseurs du bitume ! Voici les quatorze Juillet, Tant de filles comme un bouquet Offert par l'Été qui s'allume Et la faim qui nous en prenait. Salut les valseurs du bitume ! Puis la musique s'atténue Dans un soupir d'accordéon, Déjà l'ombre a cerné la rue Où brille en lettres de néon La magique enseigne d'un bal. Puis la musique s'atténue. J'entre mais vous n'êtes pas là, Ce soir non plus, mes Vénitiennes, Vous que mon rêve suscitait D'un nom évoquant la blondeur Sans qu'il vous rencontrât jamais. J'entre, mais vous n'êtes pas là. Dehors la nuit me parle bas Et je sens tomber ses pétales Sur tous les bonheurs inconnus Qui fusent au ciel quand s'exhale Le délirant plaisir des filles. Dehors la nuit me parle bas. Ensemble, à la même seconde Quel Everest éblouissant Gagné par tout l'amour du monde ! Mais ceux qui meurent dans l'instant Où d'autres vont toucher la cime, Ensemble à la même seconde... Plus tard - et le jour est en route - Je me retrouve à la Villette, Ses grands saigneurs en tabliers Tachés de sang cassent la croûte Avec quelques garçons laitiers. Plus tard - et le jour est en route. Seul, les yeux fixés sur son verre, Un gars taciturne au comptoir : Il me ressemble comme un frère Et je connais son désespoir Aux heures blêmes du regret. Seul, les yeux fixés sur son verre. Il revoit les hiers perdus, Un beau sourire qui s'efface Dans l'âge d'or des bras tendus Et, tout à coup, dans une glace Il ne se reconnaîtrait plus Il revoit les hiers perdus. Ô vous nos amis de toujours Embarqués vers le crépuscule Et disparus au point du jour, Quand viendra l'heure à la pendule Priez pour nous, pour nos amours. Ô vous nos amis de toujours ! L'aube va chasser le silence Rassemblant ses oiseaux de feutre, Maintenant la ville apparaît - Et voici demain qui commence Entre deux nuits et leurs secrets. L'aube va chasser le silence. |
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André Hardellet (1911 - 1974) |
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Portrait de André Hardellet | |||||||||