André Pieyre de Mandiargues |
Elle est massivement présente Elle est la plus vivante et la plus noire Au milieu de cette foule consumée Entre tous ces hommes pauvrement recueillis Ces femmes sauvages ces enfants mornes Unis à l'ombre d'un diéâtre froid Où ils sont venus voir d'autres hommes Mourir D'autres femmes d'autres enfants Mourir encore. Ses cheveux ont l'éclat de la peau Ses yeux brillent comme des scarabées Ses genoux remuent une lave élémentaire Qui roule sur la peluche cramoisie L'or éteint les taches de charbon Le crin bestial jailli hors du fauteuil Au contact habituel de ses jambes. Elle sait bien que la salive d'un ver Gaine jusqu'en haut ses cuisses nues Et son manteau de faux léopard Exhale une atmosphère de bouc Où dansent aussi des mouches roses Comme à l'entour de la digitale pourpre Vénéneuse et seule entre les simples de la forêt. Sa croupe est trop large pour une femelle de l'homme Quel bras pourrait la ceindre Quel poing pourrait l'abattre À quel jeu la plier Par quel ressort de gomme Sur quel velours grinçant quelle fourrure musquée Devant quel miroir blême ? Quels mots l'apprêteraient enfin aux boues de l'homme ? Riant elle s'émeut d'une sueur chevaline Qui dévore de feux sa tunique en viscose Et son rire est un trophée de boucherie. Nourrie de cendre elle se sait Carnivore L'obscur l'épanouit. |
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André Pieyre de Mandiargues (1909 - 1991) |
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Portrait de André Pieyre de Mandiargues | |||||||||