André Velter |
II Au premier matin après le déluge les hommes ont touché terre à Manali presque tous s'en furent suivre le reflux des eaux dans le sens de la pente dans le sens de la vie il y en eut trois ou quatre à contre-courant pour remonter les éboulis découvrir l'impossible l'Himalaya autrement dit les autres vers l'aval se donnèrent l'illusion d'avoir recréé le monde III Feu d'ombre source noire toujours encore le creux du corps il y a là majesté nue un désir êcorché qui tient à vif le nerf des temps ce n'est que le secret d'un cri aveuglé comme syncope sous la bouche fauve dans le blanc de l'instant sans foi ni leurre ni reniement IV Créer en pays aride éloigné de tout seul avec le sable et cette soif qui change les lèvres en syllabes de sel parole qui se tait au désir absolu de boire sa propre soif espoir qu'une rosée de lumière devienne le don peut-être d'une déesse amoureuse silencieuse et absente V Un chemin quel chemin? un espace quel espace? le mouvement fait signe la vision s'accomplit sursaut des songes de la matière évasion de la matière des songes c'est un volcan de lumière qui laisse en marge sa mémoire pour être bloc de présent dans la distance abolie l'effraction a pouvoir d'aimanter la part lyrique VI Un paysage quel paysage? un horizon quel horizon? ce sont les limbes des songes les montagnes secrètes et le ciel réunis dans les choses l'incarnation des tourments l'incarnation des traces et des morts l'incarnation des lueurs qui ont mené les corps de la buée sur le seuil et une haleine au loin VII Partir au plus pressé n'importe où caresser des os et des dents des stèles effacées des portes vides il y a ce silence auquel ne manque aucun mot mais qui veut la bouche d'un voyageur égaré le souffle d'une sombre cavalière VIII L'Univers est son hôtel il passe au galop devant les Ogadins un lion mange son cheval lui le piéton l'indépendant à outrance l'impatient solaire lui dans la nuit des pierres et la colère où l'espace est donné où le lieu est un cratère sitôt brûlé tôt impossible et sans fin IX Celui-là ne chante pas pour les autres. Ni à leur place. Ni en leur nom. La vie lui a été bonne fille. Il a choisi sa route. Peu d'obstacles. Nulle entrave. Il n'a pas connu la guerre. Pas connu la faim. Peu de souffrances. Et des cours accueillants. Le voile des choses s'est levé plusieurs fois à son approche. Il sait l'éblouissement et les instants sublimes. L'absence des dieux ne le tourmente guère. Il aime le sable et le vent. Aimera la poussière. Ne parlera plus de lui. |
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André Velter (1945 - ?) |
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Portrait de André Velter | |||||||||
BibliographieAndré Velter est un grand poète français. Directeur de la collection Poésie/Gallimard, ses chroniques littéraires dans Le Monde s'attachent surtout à l'Orient. Toute son ouvre poétique est vouée au souffle, à la révolte, à l'amour sauvage, à la jubilation physique et mentale. Résolument attaché à la voix haute , il tente d'inventer une oralité nouvelle, créant régulièrement avec comédiens et musi |
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