André Velter |
Il y a ceux qui vont au bout du monde pour se voir entre quatre horizons, ceux qui dérivent au loin pour se garder un espoir de retour et ceux qui partent, ô Baudelaire, pour partir. Ce sont gens de déroute d'exil et de grand vide qui prennent souffle dans le feu et le secret éclat des songes. A distance ils se tiennent proches d'un nuage en cavale d'une source perdue dans les yeux d'une fille ou du silence qui suit le rire trop vaste d'une tragédie sans objet. L'infini scintille à leur cou écharpe d'herbe et de chimère pour ne pas dire de néant et de nuit. Ils ont depuis l'enfance le goût des saisons violentes des fruits qui agacent les dents des métaphores qui montent à la tête prenant sans cesse les devants et improvisant à tombeau ouvert. Sous leurs pas, la terre comme un gouffre une étreinte une blessure qui jubile de n'être ni refuge ni repos, la terre comme boulet de granit bille de bois globe de cendre sphère de froid boule de lave, la terre comme une marraine sans recours comme une marée sans rivage comme une bulle d'éternité qui crève au bec d'un oiseau mort. Le champ du monde écoute la poussière qui va et tous ceux qui s'enivrent d'un destin de schiste et de mica de basalte et de craie de sel de soufre de fumée, tous ceux qui s'éveillent en sursaut de leur tendresse exaspérée. Quel est ce songe qui coupe le retour? Quel est ce ravissement qui choisit contre Dieu la migration du carbone du chlore ou de l'êther? erviers de grande prédation les soleils de nos vies s'évadent et s'amenuisent, le jeu se rejoue à l'envers où le pendu n'est qu'une corde et la mandragore un talisman de poupée. Sages déchus prophètes qui n'êtes dignes celui qui nous voit ne peut croire que nous ne sommes point là campés bon pied dans l'histoire solides au poste et bon oil mais déjà départis de nous déjà dénoués des autres déjà plus qu'à peine effacés. Princes déchus mendiants qui n'êtes dignes le premier pas n'a pas été et le dernier n'existe pas plus que le soi-disant bout du monde, le voyage qui nous a traversé compose conjugue et décompose les temps de ce futur-passé qui veille à l'insomnie des choses. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
André Velter (1945 - ?) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de André Velter | |||||||||
BibliographieAndré Velter est un grand poète français. Directeur de la collection Poésie/Gallimard, ses chroniques littéraires dans Le Monde s'attachent surtout à l'Orient. Toute son ouvre poétique est vouée au souffle, à la révolte, à l'amour sauvage, à la jubilation physique et mentale. Résolument attaché à la voix haute , il tente d'inventer une oralité nouvelle, créant régulièrement avec comédiens et musi |
|||||||||