André Velter |
Longtemps l'Arbre-Seul des légendes fut de tous mes voyages longtemps sur la route des nuages un spectre levé sans y croire mais affronté mais poursuivi mais défié sans autre espoir que d'y voler la voix les bardes de l'épouvantail si souvent allié des fables ou du vent qui met l'infini dans l'infime et le gai désastre au présent. Longtemps au-delà des lisières la tentation de jeter tout l'espace dans l'être et la pensée plus loin que le dernier horizon, partir si possible au gré de l'impossible regard lucide cour égaré avec volonté d'os goût de blessure sèche plus la fragile insolence de qui sait à peine demander son chemin. Longtemps comme dans les histoires des Soufis où l'ironie est visionnaire l'errance fut la demeure d'un songe aventureux. L'Arbre-Seul l'Arbre-Sec était le même interdit le mime paradis qui dérive de Terre Sainte jusqu'en Perse qui change le Tigre l'Euphrate pour Araxe et Volga. Aux confins de Haute Asie l'âpretê des déserts me semblait signe de source, secret au bord du soleil et des lèvres sens pleinement éprouvé dans le sens de la marche et qui cherche le royaume de l'autre de l'outre-moi du rien immense - le royaume à l'orée du silence et du vide. Puis ce fut loin de Sanglich de Ralung de Tsékarmo loin des instants où la lumière prenait corps où la lumière donnait corps emportant le regard la soif composant un hymne de poussière et d'azur, une lueur soudaine et si proche en fin d'après-midi rue Saint-Honoré une lumière inverse comme se jouant dans le murmure d'une fillette essoufflée qui confiait en posant son cartable qu'elle allait à l'école rue de lArbre-Sec Cétait le plus banal à ses yeux et aux miens plus qu'un éclat de rire : son père avait été mon premier guide dans les bazars de Kaboul avant que le déporte tout près de cet emblème une guerre monstrueuse. Où était la terre d'accueil? Qui était l'étranger? Homayoun notre histoire n'est que l'ombre d'une fable où s'éclaire par mégarde ce qui nous échappait. On dit qu'un gibet se dressait en ces lieux plus mort qu'un arbre mort que l'enseigne d'un marchand célébrait les rameaux qui séchèrent en Egypte au jour du Golgotha. Mais sans symbole ni réclame et à la seule haleine de son nom la rue dégorgeait bien assez de mémoire avec Coligny trucidé en Saint-Barthélémy avec les suppliciés de la Croix-du-Trahoir et ces cadavres de la grande peste qui n'ayant rien légué par testament aux êvêques s'entassèrent précisément dessus ce pavé-là. A Saint-Germain-l'Auxerrois le bestiaire a traversé l'enfer des siècles, griffons ours muselés singes et loups gardent ensemble les rigueurs romanes les élans gothiques les ajouts flamboyants et un homme qui porte un lion sur ses épaules. Marie l'Egyptienne n'a plus qu'une statue. Qui se souvient de ce vitrail où la sainte plutôt que de marcher simplement sur les flots au nautonier s'offrait toute troussée pour le prix du passage? Et qui se souvient du magique enterrement d'un allumeur de réverbères que les émeutiers de 48 exaltèrent pour avoir succombé à une indigestion de diamants? Est-il une frontière rue de l'Arbre-Sec ou bien au Khorassan? Un reste de panache plus haut que l'infamie qui poste à d'Artagnan l'envoi de son poème Hôtel des Mousquetaires aux bons soins maintenant du rayon parfumerie de la Samaritaine ? |
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André Velter (1945 - ?) |
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Portrait de André Velter | |||||||||
BibliographieAndré Velter est un grand poète français. Directeur de la collection Poésie/Gallimard, ses chroniques littéraires dans Le Monde s'attachent surtout à l'Orient. Toute son ouvre poétique est vouée au souffle, à la révolte, à l'amour sauvage, à la jubilation physique et mentale. Résolument attaché à la voix haute , il tente d'inventer une oralité nouvelle, créant régulièrement avec comédiens et musi |
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