Anita Conti |
Elles ont durement lutté. Les glaces denses Avaient meurtri leurs corps, et les vents qui hurlèrent Du bordé jusqu'aux mâtures hautes, fauchèrent Des hommes, sous les agrès rompus. Les cadences Mortelles de la mer ont rythmé ce combat Sans fin, jour après jour, jusques aux soirs fatals. Les triomphantes sont rentrées aux ports natals, Elles y paient rançon des nefs sombrées, là-bas. Elles meurent à quai dans les bassins tranquilles, Et leurs ponts dépeuplés, sonnent, sur des flancs vides, Elles meurent, dressant leurs mornes bras rigides Dans l'anxieuse horreur des vieillesses stériles. Ô charpentes figées de vos gréements en croix, Vers quels dieux tendez-vous l'appel de ces bras noirs, L'immense appel sans résonance et sans espoir Des calvaires sans christ et des douleurs sans voix ? Les enfants qui jouaient jadis sous vos ramures Ont suivi vos exils, arbres forts, abattus Dans la forêt française, et sur l'horizon nu Des mers sans fin passent leurs destinées obscures. Sur les vaisseaux rentrés pourrir sous nos ciels bleus, Dans les chanvres cordés plus blonds que des cheveux, Les tièdes vents d'Avril venus des champs en fleurs, Pleurent, ceux-là qui sont allés mourir ailleurs... Et sous les vieux haubans rongés de lente usure, Poulies aux yeux crevés sur l'infini perdu, Témoins momifiés des hommes disparus, Quel dieu féroce a pétrifié dans vos membrures Les fantômes railleurs de vos orgueils vaincus ? |
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Anita Conti (1899 - 1997) |
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Portrait de Anita Conti | |||||||||