Anne Perrier |
Si le monde Etait un raisin transparent Qui survivrait ? De l'autre côté de la mer Les arbres se remplissent D'oiseaux incorruptibles L'aile d'un ange A ma fenêtre obscure Neige Mon coeur prends garde ! Cette année quel retard Sur l'églantine Dans le fond de la cour Un tilleul oublié Parfume les abeilles L'âme hors les blés cette perdrix Cette pierre Qui retombe Ah ! laisse-moi disparaître Dans le cours vaste et vert De tes veines La paix Tu la tiens dans tes mains Comme un melon d'eau L'heure qui monte vers midi Laisse tomber son ombre Dans la nuit Dans le jardin désert Un pavot glorieux Danse pour toi seul L'été chaque fois plus royal Chaque fois plus mortel L'abeille toujours plus transparente Dans un village de cigales Un mort repose Qui eût avec moi partagé la Les chemins avaient dit Séparons-nous ici Où le jour a des pieds de cristal Dans une tombe si je l'ouvrais Je trouverais Le bleu du ciel L'oiseau touché à mort D'un coup de son aile blessée A dépassé le jour Et maintenant qui peut le retenir Exultante blancheur De s'en aller au coeur de l'ineffable Sur l'âme sur les tombes On n'entend plus Que la tranquille colombe Dans une impitoyable douceur Je cueille Les colchiques du silence Je flotte dans un coeur trop grand Ou bien est-ce la mer La mort déjà qui me prend Suis-je autre chose maintenant Qu'une plage de sable unie Offerte à l'océan Dans l'ombre intemporelle Une âme radieuse M'expose au soleil Va mon coeur laisse tout Rêvais-tu de garder en cage Les étoiles filantes J'ai rejoint les oiseaux sauvages Oh ! ne me cherchez plus Qu'ailleurs Viens nuit ô flamboyante Emporte-moi quand le vent passe A la lisière du jour Dans l'empyrée des oiseaux Seule me guide La géographie des étoiles II Si j'étais fleur La nuit je conduirais à la danse La prairie Le jour éclate comme une grenade Et je vais boire A son coeur étoile Au bord de l'herbe heureuse Je me suspends je tremble Avec les papillons Il suffit Sur la pointe des pieds que passe l'églantine Pour absoudre la terre Chaque fleur le sait-on Garde au coeur le nuage irisé D'une abeille absente Toutes ces heures perdues Le vent les sème sur la prairie En grand secret Demain si c'était moi Tout ce rire doré des renoncules Qui déferle Que rêves-tu ma vie Que rêves-tu captive Entre tes murs de safran Cette vague là-bas de lavande Et qui m'appelle Avec la voix de la mer Je veux qu'on invite l'été Le jour où la mort m'entraînera Vers ses bosquets de corail Le soir venu Les coquelicots qui chantaient dans l'avoine Se sont tus Je respire je froisse Au fond du jour la menthe bleue Lit pur Tout en haut de la tige La fleur de la solitude Se repose dans l'eau du ciel Dans le monde inquiet des racines l'hiver est doux Comme une musaraigne La fleur s'en est allée en allée où Là-haut dans l'or des galaxies une étoile Hésite III Le mûrier en mourant M'a laissé son ombre Fruitée D'un seul coup d'aile Si je pouvais trouer le ciel De tes yeux Alors j'entrerais en toi Clarté prunelle mer De la béatitude Le mot paradis Cette neige d'été sur l'âme Le déplie Flûtes forêts limpides Ombellifères soifs de mon âme Où êtes-vous Le vent quelques baies mortes Un grésil de papillons froids Ce qui reste à la fin du jour Le coeur qui veut garder en soi La rose Garde aussi les épines Mais toi laisse tout Avant que l'aigle royal Ne plane sur nos abondances Oh maintenant que la route S'arrête ! L'air seul Ici peut soutenir transparentes les prêles L'éblouissant me porte Moi Porteuse d'ombre Encore une fois l'abeille Tant aimée Surpasse à la danse le jour Le monde est si tranquille Cueilli Sous le feuillage de l'éternité Asseyons-nous au milieu des airelles Simplement pour aimer leur dire Leur beau nom d'air qui ruisselle Les yeux des morts Dans l'ombre ont des iris Pour mes rocailles A vous qui n'éclairerez plus La terre flambeaux éteints je mendie Le feu Pourquoi craindrions-nous la nuit Puisqu'elle rend Vertigineux le rossignol Un trèfle frais Plein de galops flamboyants M'appelle Ah! laissez-moi vous rejoindre gazelles Laissez-moi Me perdre avec vous dans les sables Si j'erre si j'ai soif Je creuserai des puits Dans le ciel Et nous boirons ma vie nous boirons De cette eau Jusqu'à en mourir |
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Anne Perrier (1922 - ?) |
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