Anne Perrier |
Le jour se fend Comme un noyau de pêche Amande amère amande Un oiseau passe L'air tremble un peu plus fort Ce n'est rien Que le rire en pente Des morts L'oiseau qui va mourir Est seul Personne Pour étendre ses ailes Au sommet du vent Personne pour lui dire Que la mort est royale Comment partir Suivre l'étroite veine Et le fleuve de sève Gagner les cordages Monter Plus haut que les feuilles J'agonise Dans un noud de l'arbre Aucune chose ici Ne dira oui Ou non Le fil de l'araignée Frissonne sur l'abîme... Qui peut passer? Seule une abeille Met le feu au silence Je vis en rond Dans une motte de terre A l'abri de quoi ? Entre les pailles je vois Le ciel qui fond Comme un oiseau de proie Son aile suffit à troubler Les blés Le temps à peine De dire adieu Le monde m'est tiré du cour Comme un poignard La déchirure doucement Se referme Minuit La paix des chrysalides Est si profonde Attente Regard Moins qu'une ombre Plus transparent Que la prunelle d'un ange Un mort A si peu de chose à faire Que le temps l'oublie O désirable Eternité Dans la rose d'une heure Dans les yeux qui passent Dans la voix qui luit Dans la beauté des jours Qui coulent vers la mer Je te bois comme un vin Le vide par moi Se consume Vos larmes je les change En rubis Vos cris En étincelles Mes bienheureux Dit-elle Je suis la gardienne Du feu On m'a dit Que les violettes de l'oubli Sont la seule compagnie Des morts Y a-t-il un printemps? Moi je sais que la nuit Vient d'abord De quoi aurais-je peur Depuis longtemps L'ombre est ma demeure Lentement Comme on forme une fleur Apprends-moi Les trois humbles voyelles Du oui Je suis mille Je serai une Tranquille absolue Equation résolue Charade trouvée Toujours verte pensée De Dieu J'ai soif Les sources qui m'appellent Sont menteuses Ici Le dernier mot des choses Est mirage Seule me reste Cette lourde fleur jaune La solitude Je suis l'été Dit-elle encore Plantez vos tentes Sur mes bords Je coule à vos pieds Soleil liquide ou vin Celui qui m'a goûtée Fleurira Qu'on me laisse vieillir Sous l'amandier mûr L'automne est proche Le temps de voir partir Les hirondelles Et tout sera dit Le silence tombe En moi comme un fruit On a creusé ma tombe Au prochain cimetière La terre sera prête Moi non La lumière sera pure Moi non Je suis l'enfant du sable Et du limon Les siècles passeront Il faut tant d'eau Pour laver une ombre Aucun n'est pur Dit-elle doucement Venez à moi Dans vos cours de semaine J'ai les mains pleines De paix Mes bien-aimés Moi qui suis digne Je vous fais dignes |
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Anne Perrier (1922 - ?) |
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