Anne Perrier |
La poésie est morte Les mots ont pris le voile Quelqu'un ferme la porte Et pose sur ma langue une étoile On a mis les scellés Sur le cour entr'ouvert L'ineffable mystère Garde son secret Restent le silence les blés Aux cheveux courts Où le vent court Sans rien troubler Reste la route aiguë Comme un cri Trois oliviers gris Comme trois mots perdus Pauvreté ô ma sour Naguère j'avais des phrases Pour te couvrir de fleurs Quand je vivais dans l'emphase Du cour Petite guenille Aux yeux morts Qui se roulait dans l'or Et la pacotille Maintenant qu'ai-je à dire Les couteaux sont tombés Tu m'attires De tes deux mains coupées Aie pitié de moi Un lent pays droit Sans feu ni source Me prend et me repousse Eloigne-toi ! ma vie N'est qu'un serpent mauvais Laisse-la fuir et se cacher Au fond d'un puits Oh ! comment passer outre marcher Encore - sentir dans son dos L'abîme le ciel ouvert Comme un tombeau Pourquoi ne m'as-tu pas laissée Sans gain ni perte Dormeuse non créée Dans l'éternité verte Mais tu m'as regardée Le monde a basculé Dans le vide le monde a brillé Comme un diamant offert Sur la nuit 0 tentation Unique et cent O pierre Sur ma paume sans fond Comme un charbon ardent Je tremble quelle proie peut suffire A ce cour absolu Poussière es-tu Royale apparence de vivre Que le monde est beau Près de se retirer Vois il a roulé sur la plage Les profonds coquillages Du désir Revienne l'eau Mystérieuse et douce! Et puis après... Monde tais-toi ! Oh tu le sais Pour qui se prend aux fables Il n'y a plus d'après... Maintenant qu'on ensable Ton nom sous les flots Déjà le vrai se détache du faux Qu'on dresse la table Pour celle qui vient En larmes sur le chemin Pauvreté mon unique Mes mains lentement te découvrent Sous la neige oblique Tu as le visage de l'amour Ah! c'était donc cela Tant de violence dans mon cour Ce vent sauvage sur mes pas Et tous ces coups de poignante douceur Une voix dans la nuit me répète Que la tendresse a faim Que la miséricorde est nue Et je viens Comme un fantôme une ombre perdue Dans les ombres muettes Qui suis-je pour t'aimer Ta lumière me tue Ta gloire me brise ta beauté Me déchire la vue Mais je viens au-devant De ton cour mendiant Irai-je jamais plus loin O douloureuse infinitude Du rien Dans le temps qui s'éteint Le soleil noir de la solitude Laisse-moi voir dans la fontaine Au moins l'ombre d'une ombre humaine Laisse-moi toucher l'endroit Fraternel d'une voix Rien ne bouge Ma propre voix s'est tue Lequel parlait de roses rouges A pleines mains nues Ah ! t'aurais-je appelée De ma terre éblouie T'aurais-je suivie Si tu m'avais dévoilé Tes abîmes? Mon cour défaille Mais l'ombre devient transparente Derrière ces murailles L'éternité chante Conduis-moi dans l'hiver Une dernière fois O le silence la joie Mer à mer Le monde se recoud Les routes disparues Plus rien que l'immense étendue De l'amour |
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Anne Perrier (1922 - ?) |
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Portrait de Anne Perrier | |||||||||