Anne Perrier |
Qu'on me laisse partir à présent Je pèserais si peu sur les eaux J'emporterais si peu de chose Quelques visages le ciel d'été Une rose ouverte La rivière est si fraîche La plaie si brûlante Qu'on me laisse partir à l'heure incandescente Quand les bêtes furtives Gagnent l'ombre des granges Quand la quenouille Du jour se fait lente Je m'étendrais doucement sur les eaux J'écouterais tomber au fond Ma tristesse comme une pierre Tandis que le vent dans les saules Suspendrait mon chant Passants ne me retenez pas Plaignez-moi Car la terre n'a plus de place Pour l'étrange Ophélie On a scellé sa voix on a brisé le vase De sa raison Le monde m'assassine et cependant Pourquoi faut-il que le jour soit si pur L'oiseau si transparent Et que les fleurs S'ouvrent à chaque aurore plus candides O beauté Faisons l'adieu rapide Par la rivière par le fleuve Qu'on me laisse à présent partir La mer est proche je respire Déjà le sel ardent Des grandes profondeurs Les yeux ouverts je descendrais au cour De la nuit tranquille Je glisserais entre les arbres de corail Ecartant les amphores bleues Frôlant la joue Enfantine des fusaïoles Car c'est là qu'ils demeurent Les morts bien-aimés Leur nourriture c'est le silence la paix Ils sont amis Des poissons lumineux des étoiles Marines ils passent Doucement d'un siècle à l'autre ils parlent De Dieu sans fin Ils sont heureux O ma mémoire brise-toi Avant d'aller troubler le fond De l'éternité Ainsi parle Ophélie Dans le jardin désert Et puis se tait toute douleur La rivière scintille et fuit Sous les feuilles Le vent seul Porte sa plainte vers la mer |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Anne Perrier (1922 - ?) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Anne Perrier | |||||||||