Antoine de Bertin |
Depuis que tu n'es plus, depuis que je te pleure, Le soleil a fini, recommencé son tour : Je puis enfin vers ta demeure Tourner mes tristes yeux lassés de voir le jour. O toi, jadis l'objet du plus ardent amour ! Toi, que j'aimais encor d'une amitié si tendre, Eucharis, si tu peux m'entendre Des bords du fleuve affreux qu'on passe sans retour, Reçois ces derniers vers que j'adresse à ta cendre ! Lorsque du sort, si jeune, éprouvant la rigueur, Tu périssais, hélas! d'un mal lent et funeste, Moi-même, tu le sais, consumé de langueur, Je voyais de mes jours s'évanouir le reste. Tu mourus : à ce coup, j'en atteste les dieux. Je demandai la mort ; j'étais prêt à te suivre ; À mes plus chers amis j'avais fait mes adieux. Catilie à l'instant vint s'offrir à mes yeux, Me serra sur son cour; et je promis de vivre. Trop heureux sous sa douce loi, Elle-même aujourd'hui permet que je t'écrive : Tout ce qui te connut te regrette avec moi. Et cherche à consoler ton ombre fugitive. Déjà, les yeux mouillés de pleurs, Et brisant son beau luth qui résonnait encore. Le doux chantre d'Êléonore ' Sur tes restes chéris a répandu des fleurs. Il t'élève un tombeau; c'est assez pour ta gloire. Moi, plus timide, tout auprès Je choisis un jeune cyprès, Et là je grave notre histoire. À ce mot, Eucharis, ne va point t'alarmer. Loin de moi tous ces noms dont un amant accable L'objet qu'il cesse de charmer ! Le temps a dû me désarmer. Et ton cour n'est point si coupable. Pour un autre que moi s'il a pu s'enflammer. Sans doute il était plus aimable... Hélas! savait-il mieux aimer? N'importe : dors en paix, ombre toujours chérie ; D'un reproche jaloux ne crains plus la rigueur : Ma haine s'est évanouie. Tu fis, sept ans entiers, le bonheur de ma vie ; C'est le seul souvenir qui reste dans mon cour. |
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Antoine de Bertin (1752 - 1790) |
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Portrait de Antoine de Bertin | |||||||||