Antoine Vitez |
Je suis le vicaire de Courtrai, je suis né dans l'année trente, j'ai tant aimé ce jeune homme, ils me l'ont arraché, pendant des heures j'ai pleuré dans ma chambre et puis ma peine s'est adoucie bien que jamais jamais je ne puisse oublier son âme et l'odeur de sa peau, j'enseigne l'italien, ils m'ont arraché ce jeune homme qui montait me voir dans ma chambre et c'est depuis ce temps-là depuis les sanglots dans ma chambre que j'écris des vers obscurs et des mots comme des chants d'oiseaux, à présent pour qu'on ne puisse plus m'accuser de rien je joue sur les mots, ils ne trouveront plus jamais personne dans ma chambre de prêtre, j'ai quitté Roulers et Bruges maintenant je suis à Courtrai j'y fus accueilli comme un poète, mais je n'enseigne plus la poésie, seulement l'italien et aussi le catéchisme, je préfère ainsi m'adonner à ma poésie secrète, on saura plus tard qu'elle était grande, on saura tout de moi, tout, on verra clair dans mon âme, on justifiera l'obscurité de mon oeuvre, et je serai alors, à la fin du siècle, sauvé, mais j'ai pleuré dans ma chambre à Roulers par mes glandes lacrymales, et rien ne changera en paix cette agonie : la main de chair blessée, le corps de chair. Extinction de la passion. |
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Antoine Vitez (1930 - 1990) |
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Portrait de Antoine Vitez | |||||||||