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Auguste Barbier



Iambes, la cuve - Poéme


Poéme / Poémes d'Auguste Barbier





Il est, il est sur terre une infernale cuve,

On la nomme Paris; c' est une large étuve,

Une fosse de pierre aux immenses contours

Qu' une eau jaune et terreuse enferme à triples tours;

C' est un volcan fumeux et toujours en haleine

Qui remue à longs flots de la matière humaine;

Un précipice ouvert à la corruption

Où la fange descend de toute nation,

Et qui de temps en temps, plein d' une vase immonde,

Soulevant ses bouillons déborde sur le monde.

Là, dans ce trou boueux, le timide soleil

Vient poser rarement un pied blanc et vermeil;

Là les bourdonnements nuit et jour dans la brume

Montent sur la cité comme une vaste écume;

Là personne ne dort, là toujours le cerveau

Travaille, et, comme l' arc, tend son rude cordeau.

On y vit un sur trois, on y meurt de débauche;

Jamais, le front huilé, la mort ne vous y fauche,

Car les saints monuments ne restent dans ce lieu

Que pour dire: autrefois il existait un dieu.

Là tant d' autels debout ont roulé de leurs bases,

Tant d' astres ont pâli sans achever leurs phases,

Tant de cultes naissants sont tombés sans mûrir,

Tant de grandes vertus là s' en vinrent pourrir,

Tant de chars meurtriers creusèrent leur ornière,

Tant de pouvoirs honteux rougirent la poussière,

De révolutions au vol sombre et puissant

Crevèrent coup sur coup leurs nuages de sang,

Que l' homme, ne sachant où rattacher sa vie,

Au seul amour de l' or se livre avec furie.





Misère! Après mille ans de bouleversements,

De secousses sans nombre et de vains errements,

De cultes abolis et de trônes superbes

Dans les sables perdus, et couchés dans les herbes,

Le temps, ce vieux coureur, ce vieillard sans pitié,

Qui va par toute terre écrasant sous le pié

Les immenses cités regorgeantes de vices,

Le temps, qui balaya Rome et ses immondices,

Retrouve encore, après deux mille ans de chemin,

Un abîme aussi noir que le cuvier romain.

Toujours même fracas, toujours même délire,

Même foule de mains à partager l' empire,

Toujours même troupeau de pâles sénateurs,

Même flots d' intrigants et de vils corrupteurs,

Même dérision du prêtre et des oracles,

Même appétit des jeux, même soif des spectacles,

Toujours même impudeur, même luxe effronté,

En chair vive et en os même immoralité;

Mêmes débordements, mêmes crimes énormes,

Moins l' air de l' Italie et la beauté des formes.



La race de Paris, c' est le pâle voyou

Au corps chétif, au teint jaune comme un vieux sou;

C' est cet enfant criard que l' on voit à toute heure

Paresseux et flanant, et loin de sa demeure

Battant les maigres chiens, ou le long des grands murs

Charbonnant en sifflant mille croquis impurs;

Cet enfant ne croit pas, il crache sur sa mère,

Le nom du ciel pour lui n' est qu' une farce amère;

C' est le libertinage enfin en raccourci;

Sur un front de quinze ans c' est le vice endurci.

Et pourtant il est brave, il affronte la foudre,

Comme un vieux grenadier il mange de la poudre,

Il se jette au canon en criant: liberté!

Sous la balle et le fer il tombe avec beauté.

Mais que l' émeute aussi passe devant sa porte,

Soudain l' instinct du mal le saisit et l' emporte,

Le voilà grossissant les bandes de vauriens,

Molestant le repos des tremblants citoyens,

Et hurlant, et le front barbouillé de poussière,

Prêt à jeter à Dieu le blasphème et la pierre.



Ô race de Paris, race au coeur dépravé,

Race ardente à mouvoir du fer ou du pavé!

Mer, dont la grande voix fait trembler sur les trônes

Ainsi que des fiévreux tous les porte-couronnes!

Flot hardi qui trois jours s' en va battre les cieux,

Et qui retombe après, plat et silencieux!



Race unique en ce monde! Effrayant assemblage

Des élans du jeune homme et des crimes de l' âge

Race qui joue avec le mal et le trépas;

Le monde entier t' admire et ne te comprend pas!

Il est, il est sur terre une infernale cuve,

On la nomme Paris; c' est une large étuve,

Une fosse de pierre aux immenses contours

Qu' une eau jaune et terreuse enferme à triple tours;

C' est un volcan fumeux et toujours en haleine

Qui remue à longs flots de la matière humaine;

Un précipice ouvert à la corruption

Où la fange descend de toute nation,

Et qui de temps en temps, plein d' une vase immonde,

Soulevant ses bouillons déborde sur le monde.

Octobre .

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Auguste Barbier
(1805 - 1882)
 
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