Bernard Hreglich |
La silhouette du joueur de boules, ce vieil homme que moi seul ai vu pleurer à la mort d'une soeur, qui ne me comprenait pas mais qui me respectait (sentant peut-être entre son île et la mienne des correspondances inexplicables), c'est aussi le délicat charnier de Verdun comme ouverture sur un siècle de pure dérision. Il ne m'a jamais trompé ni fait le moindre mal cet homme de guerre si fier de son sabre. Moi qui parle souvent du malheur, sa douce ignorance aujourd'hui me console. Et ses silences. Nous avons beau plaindre nos morts, c'est avec eux, dans le secret de leurs carcasses, qu'il fait bon partager les fruits de la mémoire. Un visiteur au chapeau bleu s'éloigne en souriant; je l'ai comblé de mille manières sans exiger qu'il soulage ma peur. Car le pire reste à venir : dans le désordre des phrases parfaites où notre beau savoir s'imagine en repos. Ce sont les fleuves qui nous manquent, et le cri des mouettes. Vous parliez des psaumes, vous n'avez pas vu le rosier se défaire. Il fallait des collines, il fallait gagner le droit de disparaître. Vous avez vu beaucoup de feu, beaucoup de pierres. |
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Bernard Hreglich (1943 - 1996) |
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Portrait de Bernard Hreglich | |||||||||