Bertran de Born |
Si tous les deuils, les larmes, les chagrins, Et les douleurs, dommages et misères Qu'on ait ouïs en ce siècle dolent Étaient ensemble ils paraîtraient légers Près de la mort du jeune roi anglais. Prix et Jeunesse en restent douloureux, Le monde aussi, obscur et ténébreux. Privé de joie, plein de pleurs et colère. Tristes, dolents, débordants de chagrin Sont demeurés les courtois soudoyers, Les troubadours et jongleurs avenants. La Mort leur fut trop terrible guerrier Qui leur ravit le jeune roi anglais Près de qui sont avides les plus larges. Devant ce mal en ce siècle ne fut Ni ne sera plus grand cri de colère. Farouche mort tout emplie de chagrin Vante-toi donc, hélas, tu nous as pris Le chevalier le meilleur de ce monde. Car il n'est rien de précieux et grand prix Qui ne fût tout au jeune roi anglais. Mieux eut valu, si Dieu choyait raison Qu'il vécût, lui, plutôt que maints fâcheux Qui font aux braves et malheurs et misères. En ce bas siècle où prospère chagrin. Tout amour fuit, toute joie est mensonge Car il n'est rien qui ne s'y change en mal. Tout bien déchoit, plus aujourd'hui qu'hier. Inspirons-nous du jeune roi anglais, Le plus vaillant, le plus noble du monde. II est parti, son beau corps amoureux, Ne nous laissant que douleur et colère ! À qui voulut dans notre grand chagrin Venir au monde et nous tirer de peine, Et souffrir mort pour notre sauvement, À vous. Seigneur, le Juste et le Clément, Nous remettons le jeune roi anglais. Veuillez, Seigneur, lui accorder Pardon Et l'accueillir parmi bons compagnons Là où jamais ne fut deuil ni colère. |
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Bertran de Born (1140 - 1215) |
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