Blaise Cendrars |
Ce ciel de Paris est plus pur qu'un ciel d'hiver lucide de froid Jamais je ne vis de nuits plus sidérales et plus touffues que ce printemps Où les arbres des boulevards sont comme les ombres du ciel, Frondaisons dans les rivières mêlées aux oreilles d'éléphant, Feuilles de platanes, lourds marronniers. Un nénuphar sur la Seine, c'est la lune au fd de l'eau La Voie Lactée dans le ciel se pâme sur Paris et l'étreint Folle et nue et renversée, sa bouche suce Notre-Dame. La Grande Ourse et la Petite Ourse grognent autour de Saint-Merry. Ma main coupée brille au ciel dans la constellation d'Orion. Dans cette lumière froide et crue, tremblotante, plus qu'irréelle, Paris est comme l'image refroidie d'une plante Qui réapparaît dans sa cendre. Triste simulacre. Tirées au cordeau et sans âge, les maisons et les rues ne sont Que pierre et fer en tas dans un désert invraisemblable. Babylone et la Thébaïde ne sont pas plus mortes, cette nuit, que la ville morte de Paris Bleue et verte, encre et goudron, ses arêtes blanchies aux étoiles. Pas un bruit. Pas un passant. C'est le lourd silence de guerre. Mon oeil va des pissotières à l'oil violet des réverbères. C'est le seul espace éclairé où traîner mon inquiétude. C'est ainsi que tous les soirs je traverse tout Paris à pied Des Batignolles au Quartier Latin comme je traverserais les Andes Sous les feux de nouveDes étoiles, plus grandes et plus consternantes, La Croix du Sud plus prodigieuse à chaque pas que l'on fait vers elle émergeant de l'ancien monde Sur son nouveau continent. Je suis l'homme qui n'a plus de passé. - Seul mon moignon me fait mal. - J'ai loué une chambre d'hôtel pour être bien seul avec moi-même. J'ai un panier d'osier tout neuf qui s'emplit de mes manuscrits. Je n'ai ni livres ni tableau, aucun bibelot esthétique. Un journal traîne sur ma table. Je travaille dans ma chambre nue, derrière une glace dépolie, Pieds nus sur du carrelage rouge, et jouant avec des ballons et une petite trompette d'enfant : Je travaille à la fin du monde. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Blaise Cendrars (1887 - 1961) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Blaise Cendrars | |||||||||
BiographieÀ 16 ans il fit une fugue, et comme d'autres vont à Vierzon ou à Bormes-les-Mimosas, prit le premier train rencontré qui le conduisit tout simplement à Moscou. De Moscou il partit allégrement, par le Transsibérien, en Chine, au diable l'avarice (quand on voyage clandestinement sans billet!). Blaise Cendrars, on le voit est allé à la bonne « école buissonnière».Pour une part, il effectua ses fabule Chronologie1887 Naissance à La Chaux-de-Fonds, 27, rue de la Paix, de Frédéric-Louis Sauser, le futur Blaise Cendrars. OuvresLes oeuvres complètes de Blaise Cendrars sont rééditées aux Éditions Denoël. |
|||||||||