Claude Roy |
Les mains pourries les mains perdues qui n'ont plus rien à donner à personne les yeux sans jour les voix sans mots les bouches qu'un baiser jamais plus ne couronne Honneur moisi feuilles qui rouillent Rires éparpillés Tendresse en proie aux vers Pitié très corrompue Linceul puant que souille la fatigue d'avoir autrefois existé Nous finirons bien par nous endormir Nous finirons bien par tout oublier Nous serons aveugles et sourds Nous aurons cannes à la main pour bâtonner sur le chemin loin très loin du très joli jour Nous serons tout entrechoqués n'ayant plus les idées en place dans une nuit d'un noir de glace tâtonnants vides disloqués Nous traînerons clopin-clopant dans un pays brumeux de larmes où le vent gèle les paroles avant qu'on ne les ait prononcées Personne ne nous entendra puisqu'il n'y aura plus personne Rien que le gel et que l'écho qui n'aura rien à réfléchir que le souvenir de l'écho Nous serons ceux qui ne sont plus les trébuchants les trépassés les effacés les confondus les morts dont on ne parle plus les morts qui auraient tant à dire. |
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Claude Roy (1915 - ?) |
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Portrait de Claude Roy | |||||||||