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DIDEROT - UNE SYNTHÈSE DE RÉFÉRENCE


Poésie / Poémes d'Denis Diderot





Aux yeux des historiens de la littérature, de l'an et des idées en France, le XVIIIe siècle ne commence pas en 1700, mais en 1715, avec la mort de Louis XIV ; et il ne s'achève pas en 1799, mais dix ans plus tôt, avec la prise de la Bastille. Cette période correspond presque exactement à la vie de Diderot : 1713-1784. Pour pertinente qu'elle soit, ce n'est pas l'unique raison pour laquelle Diderot est probablement pour tant de nos contemporains le personnage le plus représentatif du siècle des Lumières. Une autre raison, plus éloquente encore, est liée à l'histoire tout à fait inhabituelle de la publication de ses ouvres. Contrairement à ses contemporains les plus illustres. Voltaire et Rousseau, à l'ombre desquels on le place traditionnellement, Diderot s'est abstenu de publier de son vivant la plupart de ses ouvres majeures ; certaines d'entre elles n'ont donc été connues qu'après sa mort et les manuscrits qui ont fait le plus autorité ne virent le jour qu'à notre époque, en 1947 pour être exact. Deux éditions de ses ouvres complètes, les premières en un siècle, sont actuellement en préparation en France. Et Diderot, mieux connu au fil des années, est apparu bientôt comme le véritable esprit moderne du siècle des Lumières, éveillant dans de nombreux pays un intérêt sans précédent et d'une certaine façon sans égal. Au cours des trente ou quarante dernières années, cet intérêt et la recherche qu'il a stimulée ont déclenché une avalanche de nouvelles études qui ont révolutionné notre connaissance et notre appréciation de Diderot et de son ouvre.



Ce que nous offre le professeur Arthur M. Wilson dans ce gros volume est en réalité la première vision globale des résultats de cette révolution : c'est la première fois en effet qu'on trouve à la fois un inventaire complet et une synthèse de cet important effort international. Personne, en cent ans, n'a tenté ce qu'il a fait : englober en une seule étude toutes les connaissances disponibles sur Diderot. En fait, ce grand ouvrage n'a que deux véritables prédécesseurs : les deux volumes de Karl Rosenkranz, Diderots Leben und Werke, parus à Leipzig en 1866, et le Diderot and the Encyclopaedists de John Lord Morley, paru à Londres en 1878. Compte tenu de l'explosion d'études sur Diderot au cours du dernier tiers de ce siècle, le livre d'Arthur Wilson était beaucoup plus difficile à écrire que ces deux excellents ouvrages ; il en fait des livres dépassés.



Il est intéressant de remarquer qu'aucun universitaire français n'a pour lors entrepris ce qu'un Allemand, un Anglais et maintenant un universitaire américain ont tenté avec succès. On trouve bien sûr bon nombre d'ouvrages d'un cru relativement récent sur Diderot, en français et dans d'autres langues. Mais ce qui rend ce nouveau livre essentiellement différent de tous les autres c'est que l'effort de réunir toutes les informations existantes en une synthèse originale s'accompagne à un degré exceptionnellement élevé d'une recherche nouvelle et significative. Cet ouvrage apporte une fois encore la preuve non seulement qu'une véritable synthèse est toujours nécessairement créative, mais que toute étude synthétique est nécessairement accompagnée d'une recherche originale : le tout doit ici être supérieur à la somme des parties.

Ce livre prouve également qu'une synthèse ne peut être un succès et faire autorité que si elle offre un égal intérêt et une égale valeur au spécialiste et au non spécialiste. En lisant ce livre, le connaisseur ne peut manquer d'observer qu'il présente souvent l'aspect de la mosaïque intelligente et soignée d'innombrables fragments d'études publiées et de sources historiques. Chaque hypothèse, chaque phrase - qu'elle fasse ou non l'objet d'une note - et elles sont nombreuses - repose sur des preuves identifiables, d'ordinaire familières au spécialiste, mais pas toujours ; car il existe des études sur Diderot dans le monde entier et en toutes langues et Arthur Wilson les a apparemment toutes lues. Lui et son épouse - Mary Tolford Wilson - qu'il cite affectueusement dans la préface à la seconde partie comme coauteur virtuel - sont les compilateurs de l'admirable chapitre sur Diderot qui pourrait bien être le joyau du Supplément de 1968 au volume sur le xvnr' siècle de la Critical Bibliography of French Liierature publiée par les Syracuse University Press. Mais ce chapitre bibliographique, pour complet et admirable qu'il soit, est le fruit d'une sélection, alors que ce livre fait référence à nombre d'autres contributions touchant non seulement à Diderot et à ses ouvres mais à son époque, son entourage, l'histoire des idées et des sciences, sans compter d'autres sujets tous significatifs. On peut consulter, rien que pour la deuxième partie, cent vingt pages de notes serrées, dont plusieurs font référence à des études universitaires, des articles, et même à l'occasion des comptes rendus d'ouvrages ! On comprend aisément pourquoi les admirateurs de la première partie (« Les années décisives : 1713-1759 »), publiée en un volume séparé en 1957, ont dû attendre quinze ans la deuxième partie (« L'appel à la postérité : 1759-1784 »). On ne manquera pas d'admirer le courage et la patience avec lesquels Arthur Wilson a résisté à l'amicale pression de ses amis - moi y compris - pour qu'il publie la dernière partie sans attendre.

Le professeur Wilson porte avec grâce et élégance le poids écrasant de cette érudition. Le lecteur non spécialiste peut jouir pleinement de sa lecture sans jamais devoir s'interrompre pour se référer aux notes en fin de volume (il y en a quelque 1 337 pour la première partie, et 1 712 dans la seconde, toutes utiles au spécialistE). Tout lecteur cultivé, curieux d'un passé historique qui a modelé notre culture et notre civilisation occidentales, sera fasciné par le vaste panorama - reconstitué par Arthur Wilson - d'un âge exceptionnellement brillant et fécond vu à travers le regard privilégié d'un de ses membres les plus doués. Car ce livre est avant tout une biographie, celle d'un homme exceptionnel ; elle s'appuie sur un fond historique et culturel décrit avec une compétence et une minutie remarquables, englobant l'histoire des idées, de la philosophie, de l'art, de la musique, des sciences, aussi bien que l'histoire politique, sociale, économique et diplomatique.



L'auteur est un historien expérimenté, qui s'est d'abord tourné vers la biographie puis vers l'histoire de la littérature, par le processus logique d'une évolution manifestement due au fait que son intérêt jamais démenti pour l'histoire de la France du xviir siècle ne pouvait être comblé sans l'étude de sa littérature, forme d'expression chérie d'une époque où tous les intellectuels étaient des artistes. Diderot lui-même, représentant distingué de son temps, n'était pas seulement un écrivain, loin de là ; il n'est pas la propriété exclusive des étudiants et professeurs de littérature. Il va sans dire qu'à l'instar de ses talentueux contemporains, il donnait une forme littéraire à tout ce qu'il entreprenait, mais jamais il n'a cessé de montrer un grand intérêt pour toutes les autres quêtes intellectuelles. Si nous laissons de côté la monumentale Encyclopédie, dont il fut l'éditeur, l'âme et le contributeur principal, en plus de ses pièces, romans, lettres et essais de toutes sortes, nous remarquons qu'il écrivait aussi sur l'art, la musique, les mathématiques, la physique, la biologie, la médecine, l'économie, la politique, la philosophie, l'histoire, et bien souvent sur plus d'un sujet à la fois. Parmi ses amis les plus proches, les écrivains n'étaient qu'une minorité : la plupart étaient des savants et des artistes, des médecins et des économistes, des fonctionnaires et des femmes de grande culture. Son entourage même était étonnamment cosmopolite : ses compagnons les plus proches, Rousseau puis Grimm et d'Holbach, venaient de Suisse et d'Allemagne. Bien qu'il n'ait lui-même fait qu'un long voyage dans sa vie - son voyage en Hollande et en Russie en 1773-1774 (relativement limitée à l'époquE) - et que le français fût alors la langue universelle de l'Europe, il se donna la peine d'apprendre l'anglais et l'italien et prit plaisir, tout au long de sa vie, à rencontrer nombre de voyageurs étrangers lors de leur passage à Paris. De plus, en éditant l'Encyclopédie, il entreprit la lecture d'un nombre incalculable d'ouvrages sur tous les sujets, les réunissant du même coup en une immense bibliothèque pour laquelle Catherine II fut heureuse de payer quinze mille livres - somme véritablement impériale - quand elle en fit l'acquisition en 1765.

Présenter cet extraordinaire génie centrifuge était s'exposer à de bien difficiles problèmes. Le professeur Wilson a sagement pris le parti de l'ordre chronologique, au risque de se faire traiter de démodé par quelque critique « moderne » épris d'angles d'approche plus « modernes ». Par beaucoup d'aspects, sa méthode nous rappelle celle de Gustave Desnoi-reterres dans son ouvrage monumental sur Voltaire, publié pour la première fois voici un siècle et qui demeure aujourd'hui encore sans égal, preuve de la force et de l'efficacité de ce type de présentation.

La biographie d'Arthur Wilson nous offre un récit année après année, parfois même au jour le jour, qui, sans omettre aucun détail important, donne au lecteur l'impression frappante du ferment intellectuel permanent de la vie de Diderot. La capacité de Diderot à s'enthousiasmer pour quelque chose de nouveau, son profond désir d'entreprendre, l'énergie qu'il montrait pour de nouveaux départs, tout cela est remarquablement décrit dans le récit objectif d'une frénésie étourdissante, tout simplement parce qu'il colle à la réalité historique :



C'est le Diderot à multiples facettes qui trouvait le temps de jouer aux échecs et au piquet et d'aller dans les cafés ; le Diderot qui composait une inscription que personne ne lui avait demandée pour la statue de Louis XV par Pigalle pour la place de Reims ; le Diderot qui, prié par un jeune poète de critiquer sa pièce, le submerge sous un déluge de suggestions qui auraient demandé une reprise complète du début à la fin ; le Diderot dont la volubilité était notoire ; le Diderot qui conta un jour à Sophie Volland qu'il avait eu une éjaculation nocturne, en lui décrivant le rêve qui accompagnait ordinairement pareille occasion ; le Diderot qui omettait le plus souvent de dater ses lettres et savait rarement le jour du mois et de la semaine ; le Diderot qui oubliait une invitation à dîner qu'il avait acceptée ; le Diderot qui, cherchant un livre haut placé sur une étagère, mettait imprudemment le pied sur une chaise posée sur une autre et s'étalait par terre : « Je ne sais comment je ne me suis pas tué » ; le Diderot qui trouvait le temps de tourner quelques vers erotiques ; le Diderot qui traduisit le passage difficile d'Aelius Lampridius dans le recueil des Scriptores Historiae Auguslae où sont consignées les furieuses imprécations du Sénat se réjouissant de la mort de Commode ; le Diderot dont Grimm écrivait : « Profond et plein de vigueur dans ses écrits, mais bien plus étonnant dans sa conversation, il rend des oracles de toute espèce sur toutes sortes d'objets. (...) La force et la fougue de son imagination seraient quelquefois effrayantes si elles n'étaient tempérées par la douceur de mours d'un enfant, et par une bonhomie qui donne un caractère singulier et rare à toutes ses autres qualités.



Pourtant, afin d'éviter une trop grande atomisation de l'information et un salmigondis confus de faits épars, tel que la vie nous apparaît parfois alors que nous la vivons, le récit d'Arthur Wilson est divisé - quelque peu arbitrairement - en chapitres dont les titres correspondent forcément parfois à une très petite part de leur contenu (à savoir, chapitres 31 et 34, « Le Père de famille à la Comédie-Française » et « Diderot vend sa bibliothèque ») et sont parfois suffisamment vastes pour englober à peu près n'importe quoi (par exemple chapitres 36 et 39, « Vie privée et agitation publique » et « C'est une chose bien bizarre que la variété de mes rôles en ce monde »). De plus, comme Arthur Wilson fait çà et là des pauses pour analyser plusieurs des ouvres de Diderot ou pour esquisser la toile de fond des actions de ses héros, il résiste rarement au plaisir de courtes digressions qui l'éloignent de son récit chronologique. Comme les digressions étaient, nous le savons, une marque de fabrique du génie de Diderot, il est juste qu'il en soit de même pour ce livre dans lequel Diderot est si bien dépeint.

La chronologie n'est pas la panacée dans le cas d'un homme comme Diderot, qui faisait toujours plusieurs choses à la fois, à l'instar du héros de sa comédie autobiographique Est-il bon ? Est-il méchant ?, qui était homme d'action autant que savant, et qui avait à la fois une vie publique et une vie privée. Le professeur Wilson a réussi dans son effort difficile et méritoire de distiller quelque rationnalité dans le labyrinthe résultant de la stricte observance de la chronologie, même si le résultat n'est pas - et ne pouvait pas être - tout à fait parfait. En tout cas, son ouvrage illustre clairement non seulement l'originalité du biographe mais le caractère parfois controversable de certaines de ses conclusions. Elles le sont toutefois rarement car Arthur Wilson est un historien aussi objectif que possible. Sa méthode historique irréprochable n'a d'égal que son érudition parfaite. 11 est impartial et dénué de passion, si l'on excepte l'amour évident qu'il porte au sujet de son étude - amour sans lequel il n'aurait pu mener à bien ce monument auquel il a consacré une grande part de sa vie professionnelle. Avec une admirable modestie, il demeure toujours à l'arrière-plan. Seuls ceux de ses lecteurs qui ont eu le privilège de connaître cet homme remarquable retrouveront çà et là le son de sa voix, son humour délicat, sa véritable ouverture d'esprit, son ironie pleine de tolérance, sa grande pudeur, et sa profonde humanité, qui rend paradoxal le fait qu'il ait pu arriver au bout de cette tâche presque surhumaine. Cela dit, les amateurs éclairés du xvnr siècle français, qui ont à l'esprit l'Essai sur les mours de Voltaire, les Époques de la nature de Buffon, l'Esprit des lois de Montesquieu et l'Encyclopédie de Diderot, connaissent bien de tels paradoxes. On perçoit également la personnalité d'Arthur Wilson à travers son style transparent. Simple, sans prétention, il laisse le lecteur plein d'admiration pour ce travail remarquablement fait. Les épisodes les plus complexes et les plus tortueux de la vie de Diderot, aussi bien que les ouvrages les plus abscons de philosophie, d'économie et de biologie, sont présentés avec une clarté et une simplicité sans faille et une facilité d'expression fort enviable. Ce véritable génie de l'expression, où nous avons appris à reconnaître le fruit d'une longue patience, est le sceau infaillible d'un professeur de haut niveau. Si le style n'est pas lumineux, il est souvent étincelant, comme il sied à un homme que ses amis connaissent comme un merveilleux conteur.



Sans rival dans aucune langue, ce livre est déjà la fierté des universitaires américains ; il est assuré d'être traduit en plusieurs langues. On peut aussi prédire qu'il sera tu par beaucoup et pendant de longues années. Ouvrage de référence, pratique et agréable grâce à sa bibliographie et son index, il sera considéré comme l'ouvrage standard et indispensable aussi bien aux spécialistes qu'aux profanes. Son influence sur les études à venir sur Diderot en particulier et sur le siècle des Lumières en général sera considérable. Enfin, il faudra des années avant qu'une synthèse de cette ampleur, de cette originalité et de cette qualité fasse à ce chef-d'ouvre - et pour une génération à naître d'amoureux de Diderot - le tort que ce livre vient de causer aux ouvrages de Rosenkranz et Morley, pour le bien de la communauté reconnaissante des dix-huitièmistes.

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