Dominique Pagnier |
I Dans la chambre à peine aménagée où tout vacille encore du transport des vieux livres et d'un mobilier temporel, le héros s'éveille enfant sans force. L'occident est pur à la croisée nue sans rideaux, petit jour pointé d'une dernière étoile et les sirènes aboient en même temps au rêve abandonné de l'empire d'orient. Les démons cherchent les clefs et la rampe qui jaillit des hauteurs noires de l'escalier, puis descendent soumis vers un ordre brutal. Un locataire renonce à paraître, Juif emporté par le martyre d'une ouvre, disséquant des hosties pour y trouver le siège de la douleur. II Le roucoulement de l'oiseau saint-esprit sous la chanlatte et la voix mouillée des merles invisibles illustrent d'une belle image la tiédeur qui vient aux derniers jours de mars; dans un repli de l'hiver, le soleil est noté comme une pâle hostie qui voyage par le ciboire de chaque tilleul nettoyé. De part et d'autre du grillage, herbes et feuilles navrées ont été mises en tas par des hommes qui, maintenant appuyés sur leurs fourches comparent leurs conceptions de Dieu par-dessus la clôture. La première vraie poitrine est touchée dans la remise parfumée de terreau, d'où un garçon s'enfuit pour implorer au fond du couloir une statue phosphorescente. III Une chapelle consacre un lieu d'écriture; Marie y est merveilleuse nimbée de toute son ignorance que visite entre les lilas le don de la lumière. Derrière les grilles, la jeune oblate qui débande ses seins et délaisse tous les biens de la terre, est étreinte sur son châlit par des archanges mornes. Et c'est un éblouissement quand les garçons bénis sortent à grands bruits de fer, courant porter du buis, à l'enfant du miroir seulement présent par la voix sous les halliers. Marie, la blanche dans son oubli de l'orient. IV Les montagnes sont très nettes et les jardins très réguliers à leurs pieds qu'ordonne une conception de l'absolu. Les terrasses de ciment au soleil où les dormeurs recouvrent parfaitement leur ombre comme une remontée de fraîcheur, les figuiers aux poches nocturnes et les senteurs épaisses du datura, tout cela perçu de très loin dans la plaine carrelée de chantiers et d'industries où sonne fin le carmel. Des tessons de gros verre en garnissent l'enceinte derrière laquelle une statue de fer creux efface toutes les déceptions sentimentales. Cernant cette quiétude toutes les usines sont de brique avec des éclairs d'énergie et des apparitions intermittentes du pantocrator au fond des ateliers. V Du balcon suspendu dans le bleu sont connues toutes les valeurs des verts qui, selon le degré de faiblesse des végétations, se dégradent vers la plaine finale; et des bouquets vocaux jaillissent d'entre les plans, et des plaintes de machines toujours plus lointaines. Monstre réveillé par un premier saignement, la stigmatisée perçoit une nouvelle douleur du côté de l'occident. En bas dans la cour, une enfant reçue dans les mystères s'avance à cloche-pied vers le ciel d'où les illusions semblent perdre leur assise. VI Le nom du Carmel donné à la vieille pépinière comme une réponse au silence de sa terre crayeuse, et la cloche de maigre bronze pour exaspérer la détresse de Dieu. Maintenant c'est un bout de peupleraie enceint de pierres meulières avec des haies de forsythia dont les verts et jaunes cassent le gris d'un ciel à giboulées. L'Elue y finit recluse qui a écrit de son sang un pacte avec une espèce de dieu d'inconscience dont elle ne serait plus que le rêve. Avant qu'elle ne soit ravie à la torture des habits terrestres, on lui fait toucher des outils d'ouvriers; et le métal, le bois et la chair s'en retournent réconciliés vers la crucifixion merveilleuse. Et le corps qui, après l'extase, garde longtemps l'odeur des courants d'air. |
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Dominique Pagnier (1951 - ?) |
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