Driss Mesnaoui |
l. Le jour a décliné et nos épaules avec L'ombre d'une table garnie a survolé nos têtes Nous l'avons bien vue mais elle nous a ignorés L'estomac est traître Sans nous consulter il a fait se tendre nos mains Nous étions prêts à ramasser les rogatons On nous a signifié que nous n'en étions pas dignes On nous a poussés et fait tomber face contre terre Nos espoirs se sont reportés sur le fond d'une théière Nos verres ont attendu en vain et nous ont arraché cette question : Cette théière est-elle vide ou pleine ? Dis que tout va pour le mieux et tais-toi, ô Shéhérazade . La montagne du soleil a accouché d'une souris et la souris de l'éclair a accouché d'une montagne Mes yeux fixaient un cadenas prêt à se refermer sur le bec des oiseaux Les oiseaux étaient les filles du pays Elles chantaient et jouaient sur la place avec les garçons La foudre a éclaté a creusé entre eux un cratère et s'en est allée Dis que tout va pour le mieux et tais-toi, ô Shéhérazade . Au sommet de la montagne les funérailles battaient leur plein et le mort était une souris écrabouillée incapable de distinguer le jour de la nuit Devant elle, le sang des dupes coulait comme un fleuve tant il est vrai que les grenouilles n'aiment nager qu'en eau trouble Dis que tout va pour le mieux et tais-toi, ô Shéhérazade . Un arbre élancé Une branche qu'on casse une braise ardente et voilà du charbon peine perdue Encore faut-il qu'il y ait quelque chose à manger Je parle d'une forêt dont celui qui entre ne ressort pas Qui osera dire que le maître des lieux est un lion ou simplement le désigner du doigt ? Goutte à goutte tombent les enfants Ce fleuve a-t-il débordé ou pas encore ? Dis que tout va pour le mieux et tais-toi, ô Shéhérazade . A-t-il mangé de l'ombre ou est-ce l'ombre qui l'a dévoré à moitié ? Vois comme la chance du pauvre le place entre le moelleux de la laine et le dur du sol Vois comme les ciseaux coupent un à un les fils de son pantalon Les champs dont il espérait la récolte sont couverts de sauterelles Le feu qui attendait les fagots est étouffé par la cendre Dis que tout va pour le mieux et tais-toi, ô Shéhérazade . La ligne que le regard torve suivait a fini par lui échapper Nous avançons à la façon des éclopés Devant nous, la route la plus proche a enfanté cent chemins et il n'y a ni partants ni revenants Nous continuons à chercher à l'odeur l'escalier et les murs qui nous séparent Qu'en dites-vous, milliers de cours meurtris ? Dis que tout va pour le mieux et tais-toi. ô Shéhérazade . Un oil ne voit en nous que sables et pierres Un oil nous voit encore dans le ventre âgés d'un an et un mois Un oil nous voit debout, le dos voûté le cour et la tête en deuil Sommes-nous anciens ou nouveaux ? Dis que tout va pour le mieux et tais-toi, ô Shéhérazade |
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Driss Mesnaoui (1948 - ?) |
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