Edouard Glissant |
Aux portes de la ville où sont les oiseleurs, J'ai vu des oisillons refuser de mourir En demandant pardon - A l'air, A leur progéniture de l'avenir, Au feuillage, à leur chant Qui aurait bien voulu mourir. J'ai vu des oisillons préférer au sommeil Le soleil inexorable. Aux portes de la ville où sont les oiseleurs, Où sont les oisillons. C'eût été bien trop simple qu'il parût, Le grand garçon timide ignoré du destin Que pas un mur n'arrête. Et qu'il fût là soudain au milieu de la salle, Où dans un grand bol blanc sur la table de chêne, Du lait poursuit sa halte. C'eût été bien trop simple qu'il entrât, Gêné un peu de tant savoir et de pouvoir, Et qu'il posât, comme un silence, Un doigt puis l'autre sur nos plaies. C'est la distance à l'intérieur Qui perd mesure, Jusqu'à l'immense. Il n'est plus qu'une sphère Sans confins ni lieux, Où le noir oscille Comme un corps de monstre. Et très loin, perdu Dans la masse énorme, Un oil qui regarde Et qui brille à peine : Le noyau de braise. Mais le métal aussi Tremble de longue attente Vers les canaux du sang. Et c'est la nuit de bon sommeil Qui devient rare. Oui, le jour et la rue et des milliers de gens Qui vont et viennent Puisqu'il fait clair. Puisque l'horloge leur marque l'heure D'un jour sans plus d'attaches. Qui vont et viennent comme s'ils menaient Parmi les astres. Comme la ville couvait son calme Et la nuit étant bonne à boire, Il eut besoin de s'en aller Vers les îles mauvaises de peur - Apporter à leurs meules Le grain du continent Qui leur permît de moudre. Peut-être après tout sur une falaise un jour Qu'encore l'océan sera plus que de l'eau, La bête qui parle et qui maudit. Dans la prairie déserte Où le bois n'est qu'un arbre Et qui se tait trop fort. Dans une étable lente et chaude à la bougie, Frôlé par le vent qui ferme les portes. Ou bien à la table, Et me surprenant aux gestes du père - La honte soudaine d'éprouver sur moi Le toucher de l'ange. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Edouard Glissant (1928 - 2011) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Edouard Glissant | |||||||||
Biographie / OuvresMort le 3 février 2011 à l'âge de 82 ans, Edouard Glissant était bien plus qu'un grand écrivain, auteur notamment de La Lézarde (Prix Renaudot 1958), Le Sel noir, L'Intention politique, La Case du commandeur, Pays rêvé, pays réel, Tout-monde. Il était surtout l'inventeur et théoricien, à la pensée parfois assez complexe, d'au autre monde qu'il appelait le Tout-monde, nourri des écrits et des lutte |
|||||||||