Edouard Glissant |
Pensa-t-il aux livres enfouis Dans ces pays sans spectacles Où les femmes n'ont plus de mains ? A ces fulgurances de roches Que l'on voit aux rivages nus Guettant quelles vagues encore ? La mer l'avait envahi D'un bord à l'autre de son amour. Le mal que fait l'oiseau blessé Au nuage qui l'achève, Mais aussi la glace blanche De tant de fièvres défrichées, La plage qui troue la plage. Il vous fait Dame de ce lieu Ombelle nue que le vent porte, Mue de brasiers beauté la nôtre. Puis, si belle, la mer l'emporte. Je vous vois déserte peuplée Mais toujours étendue de mers Parce que vous êtes opale L'hiver avait cette épaisseur Des mains qui germent dans l'obscur L'été, pays tôt foudroyé. Entre ses mains il le maintient Comme une étrange chevelure Et c'est pitié que d'y coucher. Là, sur l'argile des pierres Le souvenir a déposé Comme un naufrage roux d'oillets, Comme d'amours un ossuaire. Mais où les champs qui se déprennent ? Où vont les champs quand l'hiver point ? Tant de mers nous ont traversés. En moi vous êtes montagne Pays ô visage impur D'un pur visage fracassé. L'orage bâtit ces murailles La mer que tu hantes brûle Je ne vois d'oiseaux qu'apeurés. Croyez-vous que l'orage mente ? Ces murailles nous ont traqués. Tel y a mûri ses aubaines La rivière était froide et pure Amour d'été est feu d'enfant. Etoile, c'est la fontaine Où tu meurs au jour avenant ! Foi d'arbre ne meurt ni ne dure. Lors étiez-vous labour déchu De ravages de chevaux fous Étiez-vous plaine qui mesure A la montagne la pâture Dont elle fait, hurlants, ses loups ? Laissez le mal aux naufragés Vent de sable est vent de torture, Notre joie naquit tout après. Labour, ô pays, pur visage D'un visage impur et blessé. Le vent dans l'oiseau fait liesse L'orage vous a délaissée Ici commence la cassure. Et cueillez à l'orgue l'orage En vous il mue et n'a de cesse Que ne soit plus nuit ce murmure. |
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Edouard Glissant (1928 - 2011) |
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Portrait de Edouard Glissant | |||||||||
Biographie / OuvresMort le 3 février 2011 à l'âge de 82 ans, Edouard Glissant était bien plus qu'un grand écrivain, auteur notamment de La Lézarde (Prix Renaudot 1958), Le Sel noir, L'Intention politique, La Case du commandeur, Pays rêvé, pays réel, Tout-monde. Il était surtout l'inventeur et théoricien, à la pensée parfois assez complexe, d'au autre monde qu'il appelait le Tout-monde, nourri des écrits et des lutte |
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