Edouard Glissant |
C'était en un temps Où le journal était un carré blanc Tenu par la mère au-dessus du seuil Où jouait l'enfant. Et dehors il y avait Tous les nids et tous les champs, Tous les chemins creux au-dessous du vent Avec leurs trous pour les serpents. Il y avait les ronces des champs. Et en soi une force Plus forte que le vent, Pour plus tard et pour maintenant, Contre tout ce qu'il faudrait, Certainement. C'était bien pour sa rançon Qu'il lui rapportait le pain. Et pour éteindre son oil Qu'il n'abusait pas du lait. - Il y avait des épaves de pain Qu'il n'arrivait pas à manger - tellement Il leur contait de choses. On fait semblant d'être à la table Et d'écouter. Mais on a glissé Parmi les feuilles mortes, Et l'on couve la terre. On peut se sourire Et y colérer. On caresse les feuilles Et on les déchire. A la voix qui gronde On en sort mouillé, Pour obéir. Mieux valait faire la petite guerre dans les champs Que s'angoisser au soleil couchant, A cause de son sourire peut-être, à elle, Ou à cause de tout. Mieux valait se faire des bâtons avec le houx Pour la gueule des chiens, Mieux valait se battre dans les genêts, Rendre coup pour coup et deux coups pour un - Que venir encore aux étranges flaques d'eau, Pleines de reptiles, de vase, de racines, Attendre d'y voir le soleil couchant Verser comme du sang. Plus pour chercher la carrière des fées, La dormeuse dans le bois aux merles d'or, La caresse peureuse de la bête câline Qui sort vers la nuit de la terre des champs, Les loups de l'hiver pour leur faire tout dire Des graines de vipère, du palais des guêpes. S'il est question de loups, ce n'est que pour se battre, Pour enfoncer le poing bien profond dans leur gueule Et voir virer leurs yeux - car c'est bon d'être fort. Quand la guerre est au loin sur les chantiers de l'est, Les garçons du bourg S'acharnent aux champs. Avant que les touche la rosée du soir, Force est de venir patauger dans l'eau Près des haies feuillues. Et toujours ils savent Y tailler un arc. Mais ils ne savent pas S'arracher cette rage. |
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Edouard Glissant (1928 - 2011) |
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Portrait de Edouard Glissant | |||||||||
Biographie / OuvresMort le 3 février 2011 à l'âge de 82 ans, Edouard Glissant était bien plus qu'un grand écrivain, auteur notamment de La Lézarde (Prix Renaudot 1958), Le Sel noir, L'Intention politique, La Case du commandeur, Pays rêvé, pays réel, Tout-monde. Il était surtout l'inventeur et théoricien, à la pensée parfois assez complexe, d'au autre monde qu'il appelait le Tout-monde, nourri des écrits et des lutte |
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