Edouard Glissant |
C'est le sang taciturne Qui fait forts les chevaux. Ils ont des croupes et des poitrails De lieux plus sains. On dirait que les routes, Que même les rues des villes Estiment leur pas. Et c'est dans le respect Qu'en est transmis le bruit Jusqu'aux étages où sont les hommes Qui n'ont que faire. Cette pomme sur la table, Laisse-la jusqu'à ce soir. Va! les morts n'y mordront pas Qui ne mangent pas le pain, Qui ne lèchent pas le lait. C'est étrange pourtant que ce soit la pluie Dans les tomates gonflées de rouge et de bien-être Et dans la boue des villes Qu'on sent partout sur soi. C'est ainsi qu'on ferme quand c'est l'heure Et qu'il arrive de faire nuit. Et qu'on se lève plus tard pour entendre L'horloge sonner de tout près. C'est bien la nuit et beaucoup dorment, Leur soif écrasée. Si la porte s'ouvrait Sur ton corps avili De mort. Debout encore et nu Contre l'armoire. Pâte à ne plus pétrir De joie. La maison d'en face Et son mur de briques, La maison de briques Et son ventre froid. La maison de briques Où le rouge a froid. C'est peut-être au-dessus du gouffre du plus rien Et du noir attendu à l'entrée des forêts, Peut-être aussi devant des choses plus amères : La délivrance ou la torture avant demain, Cette manie encore aux doigts roses et nourris, Désireux tous les jours des caresses et du jeu, De plier, déplier, comme ils feraient du temps, Un fil de fer trouvé, long pas plus que la pipe, Qui prend presque des formes Où pouvoir s'agripper : Dos d'un cheval, profil de chaise ou de bouteille, Ou bien la lande Tombant à pic sur un espace Où pas un oil ne voudra voir. |
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Edouard Glissant (1928 - 2011) |
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Portrait de Edouard Glissant | |||||||||
Biographie / OuvresMort le 3 février 2011 à l'âge de 82 ans, Edouard Glissant était bien plus qu'un grand écrivain, auteur notamment de La Lézarde (Prix Renaudot 1958), Le Sel noir, L'Intention politique, La Case du commandeur, Pays rêvé, pays réel, Tout-monde. Il était surtout l'inventeur et théoricien, à la pensée parfois assez complexe, d'au autre monde qu'il appelait le Tout-monde, nourri des écrits et des lutte |
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