Edouard Glissant |
Pendant sept ans et d'autres jours Elle attendit qu'il revînt du bourg, Droite sur ses hanches Dans sa maison blanche. * Le barde qu'on moquait Ne se fâchait jamais, Tant la lande est grande. * S'ils avaient bien voulu m'appeler l'Innocent, Je n'aurais pas fait le mal et versé le sang. L'oiseau qu'il suppliait Ne consentait jamais A venir dans sa main Pour être son témoin. . Il ne parlait guère Plus souvent qu'une pierre Et s'il souriait Je ne le savais. Est-ce que seulement Il m'a vue vraiment? - Quand il regardait mes genoux, Le vent passait plus frais sur mon cou. La femme qui craignait le tonnerre par-dessus tout, Comme elle revenait de la foire Dans son char à bancs jaune et noir, Comme elle revenait cossue de la foire Dans sa lourde robe noire - Soudain vit un éclair couper le ciel en deux, Puis un cheval rejetant le feu de partout Lentement glisser du ciel vers la terre, Sa très noble tête regardant vers elle. Et comme tremblante elle attendait Que vienne et tombe sur elle Le fracas sans miséricorde du tonnerre, Que le cheval rejetant le feu de partout Descendait toujours dans le silence, Elle ne put se retenir de mourir et tomba Parmi les oufs et la volaille. L'ogre avait beau manger, Avaler, dévorer, Des chevreuils vivants, Des ventres d'enfants, Des yeux de taureau, Des fleurs de Bureau; Il avait beau manger Jusqu'aux plumes du geai, Rien ne rendait Sa chair plus gaie. + L'homme en extase Qui bénissait les paysages Et s'en allait Vers les forêts, Avant sa fin N'aimait plus rien Que deux objets Qu'il avait faits Et se cacher Pour les aimer. Afin que soit muée En don de la pitié Sa dette envers tous ceux Du jour et de la nuit, Peut-être exécutoire, Et qu'il puisse rasseoir Dans la sécurité, Son corps qui veut dormir Sur les pieds de l'idole, Il arracha Les yeux d'un chat Et contempla Son agonie Sous le soleil Qui n'en veut pas. Quoi I je n'ai pas détruit Tout ce que j'aurais pu, Moi qui pouvais Sur tant de chair, Et Dieu Ratifiera. Mieux que mes juges, Eux sans brûlure, Il comprendra. * Il était en confiance Avec le cour des chênes. Même c'est pour cela Qu'il ne me battait pas. * Il marchait souvent Par pluie et par vent Et quand il rentrait, Il me regardait Pour trouver ma gorge. Puis il a tant donné Que j'ai bien dû rester Quand rien ne lui restait, Et j'ai dormi pour lui Qui n'aimait pas la nuit. * Mai3 oui - j'ai vu la mer, La marée, les brisants, J'ai vu les eaux s'enfler, J'ai vu les goélands, Mais je n'y ai rien vu Qui ait regard. * Avant de finir Tué par les balles, Il se vit mourir Pendant plus de vingt ans, Couché comme un soleil Sur un buisson de roses. * Prière qu'il s'entendit faire Au lapin des garennes Arraché du collet. t Tu vas pouvoir partir t Ou je ne serai pas, « Car mes mains ne sont pas formées i Pour contenir. « Mais au lieu d'égailler ta frayeur dans la course, « Reste et regardons-nous « Comme ignorant les choses. » * L, enfant qui se savait Torturé du démon Venait voir au miroir Si rien n'en paraissait. La gloire était pour lui, Qu'on lapidait peut-être Et qu'on forçait en vain Dans un angle de cour. Des femmes l'auront vu Et n'auront pas bougé. Des chiens l'auront mordu Pour pisser sur des plaies. Mais la gloire est à lui S'il sut le dernier chant. Il arriva qu'il tint conseil Avec les hêtres des forêts, Pour savoir si la fête Où se rejoindre enfin, Dans l'horreur de l'humus et la déperdition, Aurait lieu maintenant, Sur la mousse encore chaude, Ou bien, plus tard, un autre jour, Dans le taillis requis par l'eau Près de la mare. |
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Edouard Glissant (1928 - 2011) |
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Portrait de Edouard Glissant | |||||||||
Biographie / OuvresMort le 3 février 2011 à l'âge de 82 ans, Edouard Glissant était bien plus qu'un grand écrivain, auteur notamment de La Lézarde (Prix Renaudot 1958), Le Sel noir, L'Intention politique, La Case du commandeur, Pays rêvé, pays réel, Tout-monde. Il était surtout l'inventeur et théoricien, à la pensée parfois assez complexe, d'au autre monde qu'il appelait le Tout-monde, nourri des écrits et des lutte |
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