Émile Erckmann |
Est-il rien de plus agréable en ce bas monde que de s'asseoir, avec trois ou quatre vieux camarades, devant une table bien servie, dans l'antique salle à manger de ses pères ; et là, de s'attacher gravement la serviette au menton, de plonger la cuiller dans une bonne soupe aux queues d'écre-visses, qui embaume, et de passer les assiettes en disant : « Goûtez-moi cela, mes amis, vous m'en donnerez des nouvelles. » Qu'on est heureux de commencer un pareil dîner, les fenêtres ouvertes sur le ciel bleu du printemps ou de l'automne. Et quand vous prenez le grand couteau à manche de corne pour découper des tranches de gigot fondantes, ou la truelle d'argent pour diviser tout du long avec délicatesse un magnifique brochet à la gelée, la gueule pleine de persil, avec quel air de recueillement les autres vous regardent ! Puis quand vous saisissez derrière votre chaise, dans la cuvette, une autre bouteille, et que vous la placez entre vos genoux pour en tirer le bouchon sans secousse, comme ils rient en pensant : « Qu'est-ce qui va venir à cette heure ? » Ah ! je vous le dis, c'est un grand plaisir de traiter ses vieux amis, et de penser : « Cela recommencera de la sorte d'année en année, jusqu'à ce que le Seigneur Dieu nous fasse signe de venir, et que nous dormions en paix dans le sein d'Abrabam. » |
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Émile Erckmann (1822 - 1899) |
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Portrait de Émile Erckmann | |||||||||