Emile Verhaeren |
Je suis celui qui vaticine Comme les tours tocsinent. J'ai vu passer à travers champs Trois linceuls blancs Qui s'avançaient, comme des gens. Ils portaient des torches ignées, Des faux blanches et des cognées. Peu importe l'homme qu'on soit, Moi seul je vois Les maux qui dans les cieux flamboient. Le sol et les germes sont condamnés, - Voux et larmes sont superflus - Bientôt, Les corbeaux noirs n'en voudront plus, Ni la taupe ni le mulot. Je suis celui qui vaticine Comme les tours tocsinent. Les fruits des espaliers se tuméfient Dans les feuillages noirs ; Les pousses jeunes s'atrophient ; Les grains dans les semoirs, Subitement, fermentent ; Le soleil ment, les saisons mentent ; Le soir, sur les plaines envenimées, C'est un vol d'ailes allumées De soufre roux et de fumées. J'ai vu des linceuls blancs Entrer, comme des gens, Qu'un même vouloir coalise, L'un après l'autre, dans l'église ; Ceux qui priaient au choeur, Manquant de force et de ferveur Les mains lâches s'en sont allés. Et depuis lors, moi seul j'entends Baller La nuit, le jour, toujours, La fête Des tocsins fous contre ma tête. Je suis celui qui vaticine Ce que les tours tocsinent. Au long des soirs et des années, Les fronts et les bras obstinés Se buteront en vain aux destinées ; Irrémissiblement, Le sol et les germes sont damnés. Dire le temps que durera leur mort ? Et si l'heure resurgira Où le vrai pain vaudra, Sous les cieux purs de la vieille nature, L'antique effort ? Mais il ne faut jamais conclure. En attendant voici que passent A travers champs, D'autres linceuls vides et blancs Qui se parlent comme des gens. |
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Emile Verhaeren (1855 - 1916) |
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Portrait de Emile Verhaeren | |||||||||
Biographie / OuvresEmile Verhaeren est né à Saint-Amand le 21 mai 1855. Fils d'une famille commerçante aisée, il appartient à la classe bourgeoise de ce village sur l'Escaut. Au sein de la famille, la langue véhiculaire est le français, mais avec ses camarades de classe de l'école communale et les habitants de Saint-Amand, il recourt au dialecte local. A onze ans, Verhaeren se voit envoyé au pensionn BibliographieChronologie |
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