Emile Verhaeren |
Celui qui n'a rien dit Est mort, le cour muet, Lorsque la nuit Sonnait Ses douze coups Au cour des minuits fous. - Serrez-le vite en un linceul de paille, Les poings noués, et qu'il s'en aille. Celui qui n'a rien dit M'a pris mon âme et mon esprit, Il a sculpté mon crâne En navet creux, où des chandelles Font scintiller mes deux prunelles. - Nouez-le donc, nouez le mort, Rageusement, en son linceul de padle. Celui qui n'a rien dit Dormait, sous un rameau bénit. Avec sa femme, en un grand lit, Quand j'ai frappé comme une bête Avec une pierre, contre sa tête. Derrière le mur de son front Battait mon cerveau noir : Matin et soir, je l'entendais Et le voyais qui m'invoquait D'un rythme lourd comme un hoquet ; Il se plaignait de tant souffrir Et d'être là, hors de moi-même, et d'y pourrir Comme les loques d'une viande Pendue au clou, au fond d'un trou. Celui qui n'a rien dit, même des yeux, Qu'on lui coupe le cour en deux, Et qu'il s'en aille En son linceul de paille. Que sa femme qui le réclame Et hurle après son âme, Ainsi qu'une chienne la nuit, Se taise ou bien s'en aille aussi Comme servante ou bien vassale. Moi je veux être Le maître D'une cervelle colossale. - Nouez le mort en de la paille Comme un paquet de ronces ; Et qu'on piétine et qu'on travaille La terre où il s'enfonce. Je suis le fou des longues plaines Infiniment, que bat le vent À grands coups d'ailes, Comme les peines éternelles ; Le fou qui veut rester debout, Avec sa tête jusqu'au bout Des temps futurs, où Jésus-Christ Viendra juger l'âme et l'esprit, Comme il est dit. Ainsi soit-il. |
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Emile Verhaeren (1855 - 1916) |
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Portrait de Emile Verhaeren | |||||||||
Biographie / OuvresEmile Verhaeren est né à Saint-Amand le 21 mai 1855. Fils d'une famille commerçante aisée, il appartient à la classe bourgeoise de ce village sur l'Escaut. Au sein de la famille, la langue véhiculaire est le français, mais avec ses camarades de classe de l'école communale et les habitants de Saint-Amand, il recourt au dialecte local. A onze ans, Verhaeren se voit envoyé au pensionn BibliographieChronologie |
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