Emile Verhaeren |
Longue comme des fils sans fin, la longue pluie Interminablement, à travers le jour gris. Ligne les carreaux verts avec ses longs fils gris, Infiniment, la pluie, La longue pluie, La pluie. Elle s'effile ainsi, depuis hier soir, Des haillons mous qui pendent. Au ciel maussade et noir. Elle s'étire, patiente et lente. Sur les chemins, depuis hier soir. Sur les chemins et les venelles, Continuelle. Au long des lieues, Qui vont des champs vers les banlieues, Par les routes interminablement courbées, Passent, peinant, suant, fumant. En un profil d'enterrement. Les attelages, bâches bombées ; Dans les ornières régulières Parallèles si longuement Qu'elles semblent, la nuit, se joindre au firmament. L'eau dégoutte, pendant des heures ; Et les arbres pleurent et les demeures, Mouillés qu'ils sont de longue pluie, Tenacement, indéfinie. Les rivières, à travers leurs digues pourries, Se dégonflent sur les prairies. Où flotte au loin du foin noyé ; Le vent gifle aulnes et noyers ; Sinistrement, dans l'eau jusqu'à mi-corps, De grands boufs noirs beuglent vers les cieux tors ; Le soir approche, avec ses ombres, Dont les plaines et les taillis s'encombrent, Et c'est toujours la pluie La longue pluie Fine et dense, comme la suie. La longue pluie, La pluie - et ses fils identiques Et ses ongles systématiques Tissent le vêtement, Maille à maille, de dénûment, Pour les maisons et les enclos Des villages gris et vieillots : Linges et chapelets de loques Qui s'effiloquent, Au long de bâtons droits ; Bleus colombiers collés au toit ; Carreaux, avec, sur leur vitre sinistre, Un emplâtre de papier bistre ; Logis dont les gouttières régulières Forment des croix sur des pignons de pierre ; Moulins plantés uniformes et mornes, Sur leur butte, comme des cornes ; Clochers et chapelles voisines, La pluie, La longue pluie, Pendant l'hiver, les assassine. La pluie, La longue pluie, avec ses longs fils gris, Avec ses cheveux d'eau, avec ses rides, La longue pluie Des vieux pays, Eternelle et torpide ! |
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Emile Verhaeren (1855 - 1916) |
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Portrait de Emile Verhaeren | |||||||||
Biographie / OuvresEmile Verhaeren est né à Saint-Amand le 21 mai 1855. Fils d'une famille commerçante aisée, il appartient à la classe bourgeoise de ce village sur l'Escaut. Au sein de la famille, la langue véhiculaire est le français, mais avec ses camarades de classe de l'école communale et les habitants de Saint-Amand, il recourt au dialecte local. A onze ans, Verhaeren se voit envoyé au pensionn BibliographieChronologie |
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