Emile Verhaeren |
Mon rêve est embarqué sur une île flottante, Les fils dorés des vents captent, en leurs réseaux. Son aventure au loin sur la mer éclatante ; Mon rêve est embarqué, sur une île flottante, Avec de grandes fleurs et de chantants oiseaux. Pistils dardés ! pollens féconds et fleurs trémières ! Un rut immense et lourd semble tanguer dans l'air ; Les blancs magnolias sont des baisers faits chair Et les senteurs des lys parfument la lumière. Les pivoines, comme des cours Rouges, brûlent dans la splendeur ; L'air panrelle d'amour et ses souffles se nouent ; L'ombre est chaude, comme un sein sous la joue ; De larges gouttelettes Choient des branches, infatigablement, Et les roses et les iris vont se pâmant, Sur des lits bleus de violettes. Je me suis embarqué sur une île éclatante De pampres verts et de raisins vermeils, Les arbres en sont clairs et leurs branches flottantes Semblent, de loin en loin, des drapeaux de soleil. Le bonheur s'y respire, avec sa violence De brusque embrasement et de torride ardeur. Le soir, on croit y voir s'entremordre les fleurs Et les torches des nuits enflammer le silence. - Y viendras-tu jamais, toi, que mes voux appellent Du fond de l'horizon gris et pâle des mers, Toi dont mon cour a faim, depuis les jours amers Et les saisons d'antan des enfances rebelles ? Mon île est harmonique à ton efflorescence, Où que tu sois accepte, ainsi que messagers Partis vers ta beauté sans pair et ta puissance, Les parfums voyageurs de ses clairs orangers. Arrive - et nous serons les exaltés du monde, De la terre, de la forêt et des cieux roux, L'univers sera mien, quand j'aurai tes genoux Et ton ventre et ton sein et ta bouche profonde, A labourer sous mon amour fécond et fou. Je me suis embarqué, sur une île gonflée De grands désirs pareils à des souffles venus D'un pays jeune et ingénu ; Un fier destin les guide et les condense, ici, Comme un faisceau de voix, d'appels, de cris, Au cour des batailles et des mêlées. Les yeux des étangs bleus et l'extase des flores Regarderont passer notre double beauté, Et les oiseaux, par les midis diamantés, Scintilleront, ainsi que des joyaux sonores. Nous foulerons des chemins frais et flamboyants, Qu'enlacera l'écharpe d'eau des sources pures, Un air de baume et d'or que chaque aurore épure Assouplira notre corps en les vivifiant. Nos cours tendus et forts s'exalteront ensemble Pour plus et mieux comprendre et pour comprendre encor Sans avoir peur jamais d'un brutal désaccord Sur la fierté du grand amour qui nous rassemble. Nous serons doux et fraternels, étant unis. Tout ce qui vit nous chauffera de son mystère ; Nous aimerons autant que nous-mêmes la terre ; Les champs et les forêts, la mer et l'infini. Nous nous rechercherons, comme de larges proies, Où tout espoir, où tout désir peut s'assouvir : Prendre pour partager, et donner pour jouir ! Et confondre ce qui s'échange, avec la joie ! Oh ! vivre ainsi, fervents et éperdus, Trempés de tout notre être, en les forces profondes Afin qu un jour nos deux esprits fondus Sentent chanter en eux les grandes lois du monde. |
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Emile Verhaeren (1855 - 1916) |
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Portrait de Emile Verhaeren | |||||||||
Biographie / OuvresEmile Verhaeren est né à Saint-Amand le 21 mai 1855. Fils d'une famille commerçante aisée, il appartient à la classe bourgeoise de ce village sur l'Escaut. Au sein de la famille, la langue véhiculaire est le français, mais avec ses camarades de classe de l'école communale et les habitants de Saint-Amand, il recourt au dialecte local. A onze ans, Verhaeren se voit envoyé au pensionn BibliographieChronologie |
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