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Emile Verhaeren



Le passeur d'eau - Poéme


Poéme / Poémes d'Emile Verhaeren





Le passeur d'eau, les mains aux rames, A contre flot, depuis longtemps, Luttait, un roseau vert entre les dents.



Mais celle hélas ! qui le hélait

Au delà des vagues, là-bas,

Toujours plus loin, par au delà des vagues,

Parmi les brumes reculait.



Les fenêtres, avec leurs yeux, Et le cadran des tours, sur le rivage, Le regardaient peiner et s'acharner. En un ploiement de torse en deux Et de muscles sauvages.



Une rame soudain cassa

Que le courant chassa,

A vagues lourdes, vers la mer.

Celle là-bas qui le hélait,



Dans les brumes et dans le vent, semblait

Tordre plus follement les bras.

Vers celui qui n'approchait pas.



Le passeur d'eau, avec la rame survivante,

Se prit à travailler si fort

Que tout son corps craqua d'efforts



Et que son cour trembla de fièvre et d'épouvante.

D'un coup brusque, le gouvernail cassa

Et le courant chassa

Ce haillon morne, vers la mer.

Les fenêtres, sur le rivage,



Comme des yeux grands et fiévreux

Et les cadrans des tours, ces veuves

Droites, de mille en mille, au bord des fleuves.

Fixaient, obstinément,

Cet homme fou, en son entêtement

A prolonger son fol voyage.



Celle là-bas qui le hélait, Dans les brumes, hurlait, hurlait, La tête effrayamment tendue Vers l'inconnu de l'étendue.



Le passeur d'eau, comme quelqu'un d'airain. Planté, dans la tempête blême, Avec l'unique rame, entre ses mains, Battait les flots, mordait les flots quand même. Ses vieux regards hallucinés Voyaient les loins illuminés D'où lui venait toujours la voix Lamentable, sous les cieux froids.

La rame dernière cassa Que le courant chassa Comme une paille, vers la mer.



Le passeur d'eau, les bras tombants, S'affaissa morne, sur son banc, Les reins rompus de vains efforts, Un choc heurta sa barque, à la dérive. Il regarda, derrière lui, la rive : Il n'avait pas quitté le bord.

Les fenêtres et les cadrans,



Avec des yeux béats et grands

Constatèrent sa ruine d'ardeur,

Mais le tenace et vieux passeur

Garda tout de même, pour Dieu sait quand.

Le roseau vert, entre ses dents.

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Emile Verhaeren
(1855 - 1916)
 
  Emile Verhaeren - Portrait  
 
Portrait de Emile Verhaeren

Biographie / Ouvres

Emile Verhaeren est né à Saint-Amand le 21 mai 1855. Fils d'une famille commerçante aisée, il appartient à la classe bourgeoise de ce village sur l'Escaut. Au sein de la famille, la langue véhiculaire est le français, mais avec ses camarades de classe de l'école communale et les habitants de Saint-Amand, il recourt au dialecte local.

A onze ans, Verhaeren se voit envoyé au pensionn

Bibliographie


Chronologie


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