Emile Verhaeren |
Quoique nous le voyions fleurir devant nos yeux Ce jardin clair où nous passons silencieux, C'est plus encor en nous que se féconde Le plus candide et doux jardin du monde. Car nous vivons toutes les fleurs, Toutes les herbes, toutes les palmes En nos rires et en nos pleurs De bonheur pur et calme. Car nous vivons toute la joie Dardée en cris de fête et de printemps, En nos aveux où se côtoient Les mots fervents et exaltants. Oh ! dis, c'est bien en nous que se féconde Le plus joyeux et doux jardin du monde. C'est la bonne heure où la lampe s'allume : Tout est si calme et consolant, ce soir, Et le silence est tel, que l'on entendrait choir Des plumes. C'est la bonne heure où, doucement, S'en vient la bien-aimée, Comme la brise ou la fumée, Tout doucement, tout lentement. Elle ne dit rien d'abord - et je l'écoute ; Et son âme, que j'entends toute, Je la surprends luire et jaillir Et je la baise sur ses yeux. C'est la bonne heure où la lampe s'allume, Où les aveux De s'être aimés le jour durant, Du fond du cour profond mais transparent, S'exhument. Et l'on se dit les simples choses : Le fruit qu'on a cueilli dans le jardin ; La fleur qui s'est ouverte, D'entre les mousses vertes ; Et la pensée éclose en des émois soudains, Au souvenir d'un mot de tendresse fanée Surpris au fond d'un vieux tiroir, Sur un billet de l'autre année. Les menus faits, les mille riens, Une lettre, une date, un humble anniversaire, Un mot que l'on redit comme aux jours de naguère Exalte en ces longs soirs ton cour comme le mien. Et nous solennisons pour nous ces simples choses Et nous comptons et recomptons nos vieux trésors, Pour que le peu de nous qui nous demeure encor Reste ferme et vaillant devant l'heure morose. Et plus qu'il ne convient, nous nous montrons jaloux De ces pauvres, douces et bienveillantes joies Qui s'asseyent sur le banc près du feu qui flamboie Avec les fleurs d'hiver sur leurs maigres genoux, Et prennent dans la huche, où leur bonté le cèle, Le pain clair du bonheur qui nous fut partagé, Et dont, chez nous, l'amour a si longtemps mangé Qu'il en aime jusqu'aux parcelles. |
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Emile Verhaeren (1855 - 1916) |
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Portrait de Emile Verhaeren | |||||||||
Biographie / OuvresEmile Verhaeren est né à Saint-Amand le 21 mai 1855. Fils d'une famille commerçante aisée, il appartient à la classe bourgeoise de ce village sur l'Escaut. Au sein de la famille, la langue véhiculaire est le français, mais avec ses camarades de classe de l'école communale et les habitants de Saint-Amand, il recourt au dialecte local. A onze ans, Verhaeren se voit envoyé au pensionn BibliographieChronologie |
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