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Emile Verhaeren



Les meules qui brÛlent - Poéme


Poéme / Poémes d'Emile Verhaeren





La plaine, au fond des soirs, s'est allumée, Et les tocsins cassent leurs bonds de sons. Aux quatre murs de l'horizon.

- Une meule qui brûle ! -

Par les sillages des chemins, la foule, Par les sillages des villages, la foule houle Et dans les cours, les chiens de garde ululent.

- Une meule qui brûle ! -



La flamme ronfle et casse et broie,

S'arrache des haillons qu'elle déploie,

Ou sinueuse et virgulante

S'enroule en chevelure ardente ou lente

Puis s'apaise soudain et se détache

Et ruse et se dérobe - ou rebondit encor :

Et voici, clairs, de la boue et de l'or.



Dans le ciel noir qui s'empanache.

- Quand brusquement une autre meule au loin

[s'allume! -

Elle est immense - et comme un trousseau rouge

Qu'on agite de sulfureux serpents.

Les feux - ils sont passants sur les arpents

Et les fermes et les hameaux, où bouge,

De vitre à vitre, un caillot rouge.

- Une meule qui brûle ! -



Les champs ? ils s'illimitent en frayeurs ;

Des frondaisons de bois se lèvent en lueurs,

Sur les marais et les labours ;

Des étalons cabrés, vers la terreur hennissent ;

D'énormes vols d'oiseaux s'appesantissent

Et choient, dans les brasiers - et des cris sourds

Sortent du sol ; et c'est la mort.

Toute la mort brandie

Et ressurgie, aux poings en l'air de l'incendie.



Et le silence après la peur - quand, tout à coup, là-bas.

Formidable, dans le soir las,

Un feu nouveau remplit les fonds du crépuscule ?

- Une meule qui brûle ! -

Aux carrefours, des gens hagards

Font des gestes hallucinés,

Les enfants crient et les vieillards

Lèvent leurs bras déracinés

Vers les flammes en étendards.

Tandis qu'au loin, obstinément silencieux,

Des fous, avec de la stupeur aux yeux - regardent.

- Une meule qui brûle ! -

L'air est rouge, le firmament, On le dirait défunt, sinistrement. Sous les yeux clos de ses étoiles. Le vent chasse des cailloux d'or, Dans un déchirement de voiles.



Le feu devient clameur hurlée en flamme

Vers les échos, vers les là-bas,

Sur l'autre bord, où brusquement les au-delà

Du fleuve s'éclairent comme un songe :

Toute la plaine ? elle est de braise, de mensonge,

De sang et d'or - et la tourmente

Emporte avec un tel élan,

La mort passagère du firmament,

Que vers les fins de l'épouvante,

Le ciel entier semble partir.

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Emile Verhaeren
(1855 - 1916)
 
  Emile Verhaeren - Portrait  
 
Portrait de Emile Verhaeren

Biographie / Ouvres

Emile Verhaeren est né à Saint-Amand le 21 mai 1855. Fils d'une famille commerçante aisée, il appartient à la classe bourgeoise de ce village sur l'Escaut. Au sein de la famille, la langue véhiculaire est le français, mais avec ses camarades de classe de l'école communale et les habitants de Saint-Amand, il recourt au dialecte local.

A onze ans, Verhaeren se voit envoyé au pensionn

Bibliographie


Chronologie


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