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Emile Verhaeren |
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Je suis l'halluciné de la forêt des Nombres, Le front fendu, d'avoir buté, Obstinément, contre leur fixité. Arbres roides dans le sol clair ; Les ramures en floraisons d'éclair ; Les fûts comme un faisceau de lances ; Et des rocs quadrangulaires dans l'air : Blocs de peur et de silence. Là-haut, le million épars des diamants Et les regards, aux firmaments, Myriadaires des étoiles ; Et des voiles après des voiles, Autour de l'Isis d'or qui rêve aux firmaments. Je suis l'halluciné de la forêt des Nombres. Ils me fixent, avec les yeux de leurs problèmes ; Ils sont, pour éternellement rester : les mêmes. Primordiaux et définis, Ils tiennent le monde entre leurs infinis ; Ils expliquent le fond et l'essence des choses, Puisqu'à travers les temps, planent leurs causes. Je suis l'halluciné de la forêt des Nombres. Mes yeux ouverts ? - dites leurs prodiges ! Mes yeux fermés ? - dites leurs vertiges ! Voici leur danse rotatoire Cercle après cercle, en ma mémoire, Je suis l'immensément perdu, Le front vrillé, le cour tordu, Les bras battants, les bras hagards Dans les hasards des cauchemars. Je suis l'halluciné de la forêt des Nombres. Textes de quelles lois infiniment lointaines ? Restes de quels géométriques univers ? Havres, d'où sont partis, par des routes certaines, Ceux qui pourtant se sont cassés aux rocs des mers. Regards abstraits, lobes vides ou sans paupières. Clous dans du fer, lames en pointe entre des pierres. Je suis l'halluciné de la forêt des Nombres ! Mon cerveau triste, au bord des livres. S'est épuisé, de tout son sang, Dans leur trou d'ombre éblouissant ; Devant mes yeux, les textes ivres S'entremêlent, serpents tordus ; Mes poings sont las d'être tendus, Par au travers de mes nuits sombres, Avec, au bout, le poids des nombres. Avec, toujours, la lassitude De leurs barres de certitude. Je suis l'halluciné de la forêt des Nombres. Dites, jusques à quand le net supplice De redouter leur maléfice. Haineusement, dardé vers ma folie ? Immatériels ou réels, que sais-jc ? Ils me sont froids comme la neige Et leur fatalité me lie, En une atroce anomalie. Dites ! jusques à quand, là-haut. Le million épars des diamants Et les regards aux firmaments, Myriadaires, des étoiles. Et ces voiles après ces voiles, Autour de l'Isis d'or qui rêve aux firmaments ? |
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Emile Verhaeren (1855 - 1916) |
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Portrait de Emile Verhaeren | |||||||||
Biographie / OuvresEmile Verhaeren est né à Saint-Amand le 21 mai 1855. Fils d'une famille commerçante aisée, il appartient à la classe bourgeoise de ce village sur l'Escaut. Au sein de la famille, la langue véhiculaire est le français, mais avec ses camarades de classe de l'école communale et les habitants de Saint-Amand, il recourt au dialecte local. A onze ans, Verhaeren se voit envoyé au pensionn BibliographieChronologie |
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